Chronique d’un jeudi soir ordinaire

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IMG_0015La journée m’a semblé bien longue. Je m’installe au fond de la voiture 8. Je déballe mes petites affaires. Les écouteurs sur les oreilles, je ferme un œil puis l’autre…. Le train s’ébranle…

Lorsque je me réveille, nous fendons la campagne à vive allure au rythme Bayou Bell d’Eric Bibb.

Plein de bonne volonté, j’ouvre La Croix du jour pour y lire un article sur la dernière initiative de la SNCF qui lance cet été l’opération TGV pop, censée contrer Blablacar et les bus pas cher qui lui auraient chipé plus d’un « million de clients ».

TGVpop, drôle de nom, est une opération conçue « pour séduire les jeunes » avec des trains à prix réduits, à réserver à la dernière minute sur internet. Rien pour nous, les usagers quotidiens de la grande maison…

Au moment où je m’apprête à relire l’article pour comprendre comment ce système est censé fonctionner. Un couple débarque et vient s’installer sur les sièges à ma gauche.

Quelques secondes plus tard, sans préliminaire, ils se vautrent, enlacés et s’embrassent goulûment.

L’homme, d’une trentaine d’années, mal rasé, aux dessous de bras flasques, empoigne vigoureusement les fesses rebondies de sa compagne.

Elle lui récure consciencieusement le fond du palais avec la langue en fermant les yeux…

A force d’onduler du popotin, le haut de son pantalon en lycra glisse offrant à mon regard oblique une vue sur son string rose bonbon et un serpent tatoué qui jaillit de la raie de ses fesses brunes jusqu’à sa nuque.

Je rassemble mes affaires et part à la recherche d’une autre place. Je pense trouver mon bonheur une voiture plus loin en face d’une dame aux cheveux argentés qui me sourit en répondant à ma salutation. Elle lit le Figaro Madame, je devrais être tranquille. Je déballe à nouveau mes petites affaires. Elle me sourit, je lui souris. Je vais mettre mon casque audio lorsqu’elle me demande où je vais.

Belfort. Et vous ?

Colmar, dit-elle avant de préciser qu’elle change de train à Mulhouse.

Vous arrivez à quelle heure ?

Elle fouille dans son sac à la recherche de ses billets pour me donner une réponse précise. Tout en me racontant que sa fille et son gendre viennent la chercher à la gare, qu’elle vient de Bretagne, n’est jamais allée dans l’est.

Vous avez le même accent que mon gendre, vous habitez à Belfort ? demande-t-elle

A une quarantaine de minutes de Belfort…

Vous avez , vous aussi, encore de la route à faire, sourit-elle.

J’ai l’habitude, je fais souvent le trajet.

Vous travaillez à Paris ?

Oui

Dans quelle branche si je peux me permettre ?

Dans la presse…

Je m’en doutais. C’est amusant. Lorsque je vous ai vu, j’ai pensé que vous étiez dans la presse…

C’est amusant, en effet.

Mon mari rêvait de faire ce métier.

Il n’est jamais trop tard…

Il est mort.

Excusez-moi.

Ce n’est pas grave… Vous ne pouviez pas deviner, sourit-elle en posant sa main sur mon avant-bras. Il avait lui aussi de grands yeux bleus et une barbichette…

Un cancer… ajoute-elle après un long silence. Il est parti en quelques semaines. Il allait avoir 62 ans. C’est arrivé l’année dernière, en avril. C’est dur, de se retrouver seule à 54 ans. Vous êtes marié ?

Oui…

Des enfants ?

Cinq… Et sans savoir pourquoi j’ajoute avec la même épouse…

Elle a de la chance. Que Dieu vous garde… ajoute-t-elle avant de se replonger dans la lecture de son magazine et moi dans l’écoute de l’album country de Trace Adkins Proud to be Here…

 

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