Cinquante nuances de rose

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Ce soir c’est calme. Remarquablement paisible.

Je suis au fond de la voiture 8 comme à mon habitude. La nuit est tombée, le train démarre, j’étends mes jambes, la tête calée contre le dossier,  les bras croisés sur le ventre, je m’endors.

Le chuintement d’une canette qu’on ouvre me réveille. Deux grands yeux sombres me fixent. Une femme est assise en face de moi toute de rose vêtue. Du serre-tête en laine, aux bottines, en passant par le rouge à lèvres, le vernis à ongles, le sac à main ou encore la coque de protection de son portable cette femme est un nuancier de roses.

Elle a de longs cheveux noirs, une bouille ronde, le teint pâle; deux énormes seins qui pendouillent mollement sous un pull rose informe; des cuisses boursouflées de cellulite, comprimées par un pantalon en simili cuir… rose. Elle sent la fraise.

Elle ne me quitte pas des yeux en sirotant une boisson énergisante à la taurine.

Engourdi par le sommeil et une longue journée, je ne sais pas comment réagir. Je jette un oeil au paysage,  à mes chaussures toutes neuves, mon téléphone…  sentant son regard sur moi.

Au bout de quelques minutes, prenant mon courage à deux mains, je tente un sourire  auquel elle me répond d’une voix haut perchée un peu niaise :

On se connait ?

non.

Ah bon… J’aurais cru, ajoute-elle en se levant et avant de s’éloigner et de disparaître en dodelinant du fessier…

C’est beau la Bourgogne, les paysages sont reposants

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3809961_tgv_545x460_autocropVictime de l’obsolescence programmée, mon casque audio est mort cette semaine… Une mauvaise nouvelle pour moi, notamment lorsqu’il faut voyager la veille d’un long week-end…

Deux chevelures argentées et deux teintures montent à bord. Deux hommes, deux femmes. Il est 6 h 25. Tout le monde dort dans la voiture 6.

L’une des deux femmes, teinte en brune, interpelle ses partenaires : 31, 32, 33 et 34. Nous sommes ici les amis, dit-elle avec une forte voix rocailleuse de fumeuse impénitente. Elle tient quatre billets dans la main droite en éventail  comme un jeu de cartes.  Charles, poursuit-elle, tu es là, Évelyne en face. André en face de moi, à moins que tu ne veuilles être dans le sens de la marche.

Cela n’a aucune importance en ce qui me concerne, rit-il.

Ils essaient de glisser leurs valises dans le porte-bagages au-dessus de leurs têtes. Peine perdue…

Autrefois, les porte-bagages étaient beaucoup plus spacieux, raconte Charles sur le ton de « Je me souviens dans le temps jadis quand tout était beaucoup mieux… »

Tu parles de quelle époque, André ? Des locomotives à vapeur ?

Ah un comique, ça promet.

Tous éclatent de rire.

Je crois qu’on gêne, dit la voix rocailleuse, alors que des passagers attendent debout avec vestes et bagages, de rejoindre leurs places… Luttant pour garder leur équilibre alors que le train prend de la vitesse.

Les quatre personnes âgées installées, elles commencent par évoquer ce qu’elles ont pris au petit-déjeuner. Enchaînent ensuite sur le confort de ce TGV. Charles et André évoquent leurs voyages en première classe lorsqu’ils se rendent aux réunions du MEDEF, où « le port du costume cravate n’est même plus obligatoire » selon Charles.

Pendant ce temps, la voix rocailleuse et Évelyne prennent des nouvelles de connaissances mutuelles. Elles commencent par celles qui sont mortes ou mourantes, puis enchaînent sur celles qui sont en bonne santé mais qui ne prennent pas soin d’elles, puis finissent par celles qui perdent la tête comme une certaine Françoise qui dilapidait ses économies à tort et à travers jusqu’à ce que Julien, son fils, s’en rende compte et la place dans un Epad.

En entendant le nom de Julien, Charles et André, s’immiscent dans la conversation de leurs femmes… En demandant si Julien a réglé ses problèmes avec ses locataires indésirables… Non, lui répond la voix et la conversation dévie sur la difficulté d’être un propriétaire de nos jours… Les impôts, le gouvernement, les locataires, les travaux, le syndic, tout y passe, en vrac…

Parfois les quatre parlent ensemble, parfois deux à deux, mais de plus en plus fort et de plus en plus vite. Il sera question de leurs précédents voyages, du montage de meubles Ikea, de l’obsolescence programmée, de leurs vies active lorsqu’ils étaient enseignants et dirigeants, du niveau en baisse des élèves, leur absence de culture, des exigences de plus en plus folles des salariés. Salariés qui sont mieux lotis que les patrons, selon Charles…

Des usagers incommodés commencent soupirer, puis à râler et enfin à faire des remarques. Rien n’y fait. Les quatre personnes âgées ne baissent jamais le ton que quelques minutes avant de se relancer.

Évelyne : C’est beau la Bourgogne, les paysages sont reposants.

André : Dijon, est une ville chère, mais intéressante avec ses musées, ces concerts.

Charles, trouve que la réputation de la gastronomie locale est surfaite…

Pour Évelyne, le vin est cher, les serveurs grossiers, les fleuristes ne connaissent rien à leur métier…

La voix, estime quant à elle qu’il est temps de penser à la journée qui commence… Après avoir regardé sa montre, elle sort un plan détaillé des jours à venir, d’une pochette plastifiée…

On arrive à 8 h 37, le musée ouvre à 9 h 30. On prend un café, on dépose nos bagages à l’hôtel, et on file prendre la ligne 1…

J’espère que vous n’aviez pas l’intention de dormir ?

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Ce matin, à 6 heures, le quai de la gare de Belfort TGV fourmille d’hommes en costumes sombres et chemises blanches. La plupart ont entre 50 et 70 ans, du ventre, un double menton, la calvitie, des chaussures impeccablement cirées et une valise à double roulettes, le must.

Quelques femmes les accompagnent. Elles se tiennent en retrait à battre des pieds pour se réchauffer.  Ces hommes semblent se connaître. Lorsqu’ils se croisent, ils échangent de longues poignées de mains en souriant comme des vendeurs de voitures d’occasion. En captant des bribes de conversation, j’ai rapidement le sentiment d’avoir à faire à des élus de la région en route pour la capitale.

Après un premier message annonçant le départ du train à 6 h 07 du quai 4, un leader se détache. Ce dernier, grand, sec à la mâchoire carrée, parle fort, arpentant le quai comme un chef d’escadron de cavalerie avant d’envoyer ses hommes au feu au lever du jour…

Les troupes sont rassemblées.  Deux personnes manquent  à l’appel. Il espère qu’ils ne se sont pas trompés de gare entre Belfort Ville et Belfort TGV ou d’heure de départ « comme l’année dernière ».

Il tente de les joindre sur leur téléphone. Tombe sur leur messagerie. Fait part de son agacement à ce qui semble être son assistante. Une grande brune en tailleur sombre qui trottine dernière lui perchée sur des talons interminables.

Les voilà, soupire-t-elle en pointant un index accusateur sur deux hommes qui arrivent tranquillement sur le quai.

Vous étiez où ? Demande le leader avec une pointe d’agacement…

Au café, répondent, en coeur les deux larrons…

Ils ont les joues bien rondes et bien rouges, le ventre protubérant et la bonne blague au bout de la langue.

En admirant ces deux magnifiques spécimens de boute-en-train, je me prends à implorer le hasard de leur avoir attribué des places loin de moi.

Le train entre en gare. S’immobilise, les portes s’ouvrent avec fracas. Les deux compères se fondent dans la foule qui se presse aux portes, en amusant la galerie…

À l’arrière, le leader aiguillonne les retardataires, les invitant à monter « sans tarder » à bord des voitures 7 et 8. Ce qui n’est pas du goût de certains qui se mettent à râler…

Dans le train qui démarre, c’est la pagaille. La cour de récréation. Les passagers qui étaient déjà à bord et dormaient pour la plupart, observent le spectacle médusés et inquiets.

Après toi, dit l’un.

Non vas-y toi, répond l’autre.

C’est quoi ma place ? La 87?

Non, c’est la mienne… Toi c’est la 86.

Ma valise est trop grosse, elle rentre pas, (rire gras).

Met de l’huile et pousse un grand coup sec…. (Rires gras)

Le train part dans quel sens ? demande une dame…

Comme ça, mime une autre avant de faire le geste dans le sens inverse….

Il faut que je sois dans le sens de la marche sinon je vomis, prévient en riant un petit homme trapu et pansu.

J’arrive à ma place, déjà fatigué et résigné… Il y a des jours comme ça…

Je m’assois, deux voix familières me lancent un tonitruant :

« C’est vous qui êtes à côté de nous ? demande le premier boute-en-train. J’espère que vous que vous n’aviez pas l’intention de dormir ? Conclu le deuxième….

François, Édouard, Popaul et l’autre

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IMG_1272Certains allers et retours sont plus fatiguant que d’autres… Notamment lorsque le voisinage a décidé de vous rendre la vie misérable… Florilège matinal

Bonjour, je suis assis là. Un monsieur au collier de barbe grisonnant est assis à ma place son sac d’ordinateur sur les genoux. Lorsque je lui fais signe, il se lève en soupirant d’agacement et m’invite à passer. De nombreuses personnes attendent derrière moi, impatients de rejoindre leurs sièges.
Je lui fais comprendre que c’est à lui de passer en premier, qu’il est assis côte fenêtre…

Non Monsieur. C’est vous, me reprend-il d’un ton ferme, le visage crispé.

À six heures du matin, je n’ai pas envie de m’engager dans une conversation sans fin,  je me glisse vers la fenêtre, suivi par mon voisin qui marque son territoire d’un coup de coude.

Le petit geste de trop. Prêt au combat, je lui montre le récapitulatif de réservation où il est précisé que la place 27 est côté couloir et que les pictogrammes le confirment… Il se raidit dans son siège à deux doigts d’imploser.

C’est bon ! S’il n’y a que ça pour faire plaisir on change.

C’est bon…

Ca alors, soupire-t-il en se calant dans son siège, plus crispé que jamais…

Devant nous, deux adolescentes faisant partie d’un groupe de lycéens en voyage scolaire entament une conversation sans quitter des yeux l’écran de leurs téléphones.

Tu sais quoi ? demande la brune à la blonde…

Non.

C’est terminé avec Édouard…

Édouard ?

Oui le mec avec lequel je suis sortie vendredi à la soirée de Cassandra…

Je croyais que tu y allais avec Vincent…

J’ai commencé la soirée avec lui mais il m’a vite gavé avec ses histoires et j’ai rencontré Édouard, un de ses potes. Il m’a fait craquer. Le genre super canon…

Et alors ?

On est sorti ensemble mais bof… Pas vraiment le feu d’artifice si tu vois ce que je veux dire… (Rires)  Et toi alors, avec Paul ?

On a cassé.

Oh mince alors..

À la soirée de Delphine, on a croisé une de ses  ex. On s’est pris la tête…

Je cherche mon casque audio et en démêle le câble pour m’isoler et dormir lorsqu’une voix caverneuse attire mon attention :

Je suis dans le train. J’arrive en début d’après-midi si tout va bien… (Silence) Comment s’est passée la journée d’hier ? (Silence).

Je me retourne. Un monsieur d’une soixantaine d’années téléphone. Il a une bouille ronde, hâlée, des lunettes aux montures dorées, des yeux globuleux, une voix caverneuse, un fort accent du midi, un ventre protubérant.

Le chantier avance comme on veut ? (Silence). Bien sûr que pour élargir le chemin, il fallait couper le poirier… (Il monte le ton) Ou le cerisier, c’est la même chose. (Silence) Le terrassement sera terminé aujourd’hui ? Comment ça le concasser n’a pas été livré ? (Silence tendu) Comment ça,  y veut pas mettre de géotextile ? (Silence) Moi je l’avais commandé et il a été livré alors explique-lui qu’on a pas le choix, que ça empêchera l’herbe de repousser. (Silence) OK.

M’as-tu vu et bien entendu ?

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3809961_tgv_545x460_autocropLa plupart du temps, lorsque je voyage,  j’écoute de la musique pour me couper du monde… Mais certaines personnes, allez savoir pourquoi, attirent mon attention par leur gestuelle, leur allure… 

Un grand brun, aux dents blanches, souriant, barbe de trois jours, foulard autour du cou, remonte l’allée centrale du TGV un café à la main. La démarche est décontractée, la chemise hors du pantalon, le ventre plat.

Bernard s’écrie-t-il en s’arrêtant devant une personne dont je ne vois que la calvitie.

Ça alors ! Que deviens-tu ? lui demande-t-il d’une voix pleine d’assurance.

Je rentre des Maldives.

La chance…. Vacances ? Boulot ?

Un tournage pour une série sur Arte…

Génial. J’en déduis que tout va bien pour toi.

Pas vraiment. C’est un peu dur, depuis quelques années. Le boulot se fait de plus en plus rare. Les budgets sont de plus en plus serrés… Et toi alors, que deviens-tu ?

Je n’arrête pas… J’ai des tournages prévus jusqu’à la fin 2017. Je refuse du boulot. En ce moment, je bosse sur une série dont la thématique est les animaux et les hommes… Des histoires incroyables, poursuit-il en parlant de plus en plus fort… J’ai filmé un chien et son maître qui sont spécialisés dans l’assistance en montagne. Imagine, le clebs on l’a fait sauter d’un hélicoptère. Les images sont grandioses… Dis-moi Bernard, ce grand garçon à côté de toi c’est ton fils ?

Oui il m’a accompagné. Il est en vacances… Sylvie et moi nous sommes séparés l’été dernier. Alors faut gérer…

Merde alors… Ça faisait pourtant longtemps que vous étiez ensemble. Bon, Bernard, mon pote, je te souhaite un bon retour chez toi, dit-il en lui tendant la main. On s’appelle ? Tu as mon 06?

Oui. OK. Entendu. À bientôt.

De ronfler tu t’abstiendras si tu veux garder ta femme

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Chaque voyage réserve son lot de surprises et de rencontres. Certaines sont agréables d’autres beaucoup moins…  

Ce lundi matin, la voiture 8 du TGV 6700 à destination de Paris est bondée. Plusieurs groupes s’y sont engouffrés dès la gare de Belfort à 6 h 07 : des techniciens d’un célèbre fabricant d’ascenseurs, des syndicalistes et des dizaines de coiffeuses se rendant à un salon ou une formation.

C’est au groupe qui parle et rit le plus fort. L’ambiance devient vite, intenable… Je décide d’aller chercher un espace plus propice à finir ma nuit.

Voiture 6, je trouve une place libre à côté d’une septuagénaire à la peau fripée et bronzée, équipée de la tête aux pieds pour la randonnée nordique. Un petit bonjour sans réponse et à peine installé, je m’endors.

Contrôle des titres de transport… Monsieur… Contrôle des titres de transport. Une pression sur mon épaule.

Le réveil est si brutal qu’au lieu de présenter ma carte d’abonnement, je tends ma carte de crédit.

Vous n’avez pas de billet ? Me demande-t-il, ajoutant avec un léger accent alsacien que j’aurais dû passer le voir dès le départ. Qu’il est trop tard pour appliquer un tarif majoré au lieu d’une contravention…

En bredouillant, je lui donne ma carte d’abonnement.

En bougonnant, le chef de bord poursuit sa ronde, ponctuant chacun de ses contrôles par un « merci et bon voyage ».

Une petite pression sur mon avant-bras, puis une autre, plus ferme… Une voix féminine inconnue m’interpelle. Je m’étais endormi.

J’ouvre les yeux.

Monsieur, vous ronflez…

Je me redresse, m’excuse en essuyant discrètement un filet de bave à la commissure de mes lèvres.

Pendant trente-cinq ans, poursuit-elle, j’ai supporté les ronflements de mon mari. Depuis sa disparition, paix à son âme, je peux enfin dormir
des nuits complètes. Je ne supporte plus les ronflements. Vous êtes marié ?

Oui.

Alors jeune homme, si vous voulez sauver votre mariage, consultez un spécialiste. Les hommes qui ronflent pourrissent la vie de leur femme.

Youpi, aujourd’hui c’est carré famille !

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IMG_1934Aujourd’hui, concert parisien dominical des Enfoirés oblige,  c’est carré famille, le matin et le soir. Et  pour cause, il n’y a plus de place ailleurs. Et  c’est pas faute d’avoir réservé longtemps à l’avance…

Une mauvaise nouvelle ne voyageant jamais seule, je suis installé côté fenêtre avec le courant d’air et la poubelle qui vous cisaille le genou…

Résigné, je salue mes voisines que visiblement je dérange lorsqu’elles doivent enlever leur barda de mon siège.

En face de moi, dans le sens de la marche, une trentenaire, cheveux bruns, mi-longs, sportive, deux smartphones et un petit Hugo débordant d’énergie. Au jugé, il doit avoir cinq ou six ans tout mouillé.

À ma droite, pas souriante, une Antillaise, potelée, parfumée et archi-maquillée. Elle est flanquée de deux adolescentes aux jambes interminables qui visionnent un film sur une même tablette. Leurs crânes sont soudés l’un à l’autre pour profiter du même casque audio.

Il y a aussi un garçon à lunettes, d’une quinzaine d’années, potelé comme maman, à ceci près qu’on lui a greffé une console de jeux au bout des doigts. Seuls ses pouces semblent encore fonctionnels<;

Hugo ? Bébé ? Demande maman d’une voix de crécelle, tout en balayant l’écran tactile de l’un de ses téléphones d’un index dédaigneux.

Hugo… Maman te parle… Tu as fait quoi avec papa ce week-end ? Tente-t-elle à nouveau sans quitter son appareil des yeux.

Hugo danse d’une fesse sur l’autre, se met debout, puis assis, puis à genoux face à la vitre sur laquelle il plaque son visage.

Putain, Hugo, s’écrie-t-elle… Arrête de lécher la vitre c’est dégueulasse…

Théo sourit malicieusement en écrasant son nez dans la buée qui se forme sur la vitre.

Maman ? Tu as dit Pu…

Hugo ! Rougit sa mère ne posant son portable…

Pourquoi tu me disputes, c’est toi qui as dit un vilain mot…

Désolé Amour, lui sourit-elle. Hugo, tu ne m’as pas répondu… Comment c’est passé ton week-end ? Vous avez fait quoi ?

On a mangé des pâtes, des chips, du coca et on a regardé Star Wars…

Bravo le repas et le programme de papa… Vous êtes restés tout le week-end dans l’appartement ?

Oui, papa a dit qu’il faisait trop froid pour sortir au parc. Maman, j’ai faim… Je peux avoir une compote ? J’ai soif aussi.

Maman fouille dans son sac à dos. Elle en sort une boîte hermétique remplie de carottes, concombres, découpés et des tomates cerises…

Hugo fait la moue…

Maman, s’écrie, mais ce n’est pas vrai. Dites-moi que je rêve, tu as le même t-shirt que vendredi. C’est papa qui t’a habillé ce matin ?

Oui, il a dit qu’il n’était pas sale…

Mais enfin Hugo, un t-shirt ça se change tous les jours… Ton père ne changera décidément jamais…

Papa, il a dit qu’il n’aime pas quand tu dis de vilains mots…

Ne jamais réveiller une vieille rosse qui dort

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raleur-vip-blog-com-911739mauvai10Dijon, 3 minutes d’arrêt. Le TGV se remplit. Je suis installé place 48, voiture 6. La 47, à ma gauche, est libre.

Pas pour longtemps.

Une jeune femme d’une vingtaine d’années, emmitouflée dans un duvet bleu marine, avec un bonnet, un foulard et des gants assortis, s’arrête à ma hauteur. On dirait qu’elle me parle. J’enlève mes écouteurs.

« Oui? »

« J’ai la place 47 ». D’un doigt ganté, elle pointe celle où je suis.

Je me lève en souriant pour la laisser passer. Elle ne bouge pas,  me regarde comme si elle avait à faire à un simple d’esprit puis me dit :

« Vous êtes côté fenêtre Monsieur. »

« Non, Madame. C’est vous.  Voyez les pictogrammes… 48, couloir. 47 fenêtre. Désolé. »

Je souris.

« Bon, on ne va pas y passer la journée,  » soupire-t-elle. Les joues écarlates, elle se glisse à sa place.

Je m’assois.

Elle enlève sa veste. Son coude droit me laboure les côtes.

Elle se lève pour mettre sa veste et son sac à main rose dans le porte-bagages au-dessus de nos têtes, m’obligeant à me lever.

Enfin installée, elle entame une conversation téléphonique où elle explique qu’elle est « dans le train », qu’il est « grave bondé », que la journée « commence fort », que tout va de « travers, » que  certaines personnes « sont de gros malades »…

Je monte le son de mon casque audio et m’endors.

Je sens une pression sur mon épaule. J’ouvre les yeux. Ma voisine me fixe avec des yeux bleus écarquillés qui m’invitent à me lever car elle souhaite passer. Je m’exécute.

« Je reviens vite », me prévient-elle.

Me suggèrerait-elle de rester debout ? Et surtout de ne pas m’endormir ?

J’aimerais bien, mais mes paupières sont de plus en plus lourdes. À fixer le couloir  et attendre son retour, je finis par piquer du nez.

Une pression sur mon épaule. Mon dieu. Encore elle. Elle couve des deux mains une tasse de café, comme on tiendrait un oisillon tombé du nid. Sa mâchoire est crispée, ses lèvres pincées.  Je me lève péniblement. Elle se glisse à sa place en soupirant. Assis, je m’endors rapidement.

Pression. Cette fois elle « doit récupérer » son « billet » dans « son » sac à main rose, rangé au-dessus de nos têtes. Dans l’allée centrale deux contrôleurs progressent en notre direction.

Je me lève, oubliant la proximité avec le porte-bagages. Le choc entre cette protubérance et mon crâne,  provoque la chute de sa veste, d’un gant, et de son foulard. En levant le bras pour les saisir au vol, elle renverse le contenu de son gobelet de café arrosant copieusement  son téléphone et mon siège, l’occasion pour moi de quitter le champ de bataille pour aller finir le trajet dans la voiture bar.

Confidences pour confidences

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IMG_0227Vendredi soir, départ en week-end oblige, le train est complet.  Ma voisine du soir est une jolie jeune femme souriante qui me gratifie d’un « bonjour » enthousiaste lorsque je m’installe. Elle lit Courrier International dont la une demande Et si Daesh avait déjà gagné? Une question brulante un jour où l’islamisme radical a frappé trois fois : en France, en Tunisie et au Koweit faisant respectivement 1, 38 et 27 morts.

Dans le train,  la vie continue. A ma gauche, la voix forte et sans gène d’une femme attire mon attention et celle des autres personnes autour de nous…

C’est un pervers narcissique, un vampire émotionnel, explique une blonde à lunettes à son vis-à-vis bedonnant dont l’arrière du crâne chauve luit au soleil. Avec ses couettes, son nez retroussé et ses grands yeux ronds, le visage de la jeune fille évoque celui d’une gamine. Son attitude et sa tenue, une jupe très courte et chemisier vaporeux, celui d’une jeune femme plus âgée.

Il est toujours négatif, vieux dans sa tête et dans son corps, poursuit-elle à un débit qui donne le vertige. Il est pantouflard, mou… Il vit au jour le jour, c’est une plaie…. Et son rapport avec le fric parlons-en…. Toute nos économies sont parties dans la rénovation de sa baraque, il veut tout faire tout seul, mai il ne sait rien faire correctement… J’aimerais qu’il me propose de partir en vacance, d’aller au restaurant, une petite sortie en amoureux sans Mathilde, mais c’est toujours trop cher à son goût. Le week-end dernier, il m’a invité au Macdo avec la petite. Tu sais quoi ? C’est moi qui ai payé… Il avait oublié sa carte.

L’homme en face, penché en avant acquiesce et ponctue la conversation avec des : C’est pas vrais ? Vrai
ment ? Ah bon ? Oh merde alors… Tu n’as vraiment pas de chance…

Tu ne trouves pas qu’il a beaucoup grossit ces derniers temps? lui demande-t-elle.

Effectivement. Il devrait prendre soin de lui… Comme toi… Tu es magnifique.

Tu ne serais pas entrain de me draguer ? Je suis flattée mais tu sais, tu es comme un frère pour moi et j’aime Michel.

Chronique d’un jeudi soir ordinaire

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IMG_0015La journée m’a semblé bien longue. Je m’installe au fond de la voiture 8. Je déballe mes petites affaires. Les écouteurs sur les oreilles, je ferme un œil puis l’autre…. Le train s’ébranle…

Lorsque je me réveille, nous fendons la campagne à vive allure au rythme Bayou Bell d’Eric Bibb.

Plein de bonne volonté, j’ouvre La Croix du jour pour y lire un article sur la dernière initiative de la SNCF qui lance cet été l’opération TGV pop, censée contrer Blablacar et les bus pas cher qui lui auraient chipé plus d’un « million de clients ».

TGVpop, drôle de nom, est une opération conçue « pour séduire les jeunes » avec des trains à prix réduits, à réserver à la dernière minute sur internet. Rien pour nous, les usagers quotidiens de la grande maison…

Au moment où je m’apprête à relire l’article pour comprendre comment ce système est censé fonctionner. Un couple débarque et vient s’installer sur les sièges à ma gauche.

Quelques secondes plus tard, sans préliminaire, ils se vautrent, enlacés et s’embrassent goulûment.

L’homme, d’une trentaine d’années, mal rasé, aux dessous de bras flasques, empoigne vigoureusement les fesses rebondies de sa compagne.

Elle lui récure consciencieusement le fond du palais avec la langue en fermant les yeux…

A force d’onduler du popotin, le haut de son pantalon en lycra glisse offrant à mon regard oblique une vue sur son string rose bonbon et un serpent tatoué qui jaillit de la raie de ses fesses brunes jusqu’à sa nuque.

Je rassemble mes affaires et part à la recherche d’une autre place. Je pense trouver mon bonheur une voiture plus loin en face d’une dame aux cheveux argentés qui me sourit en répondant à ma salutation. Elle lit le Figaro Madame, je devrais être tranquille. Je déballe à nouveau mes petites affaires. Elle me sourit, je lui souris. Je vais mettre mon casque audio lorsqu’elle me demande où je vais.

Belfort. Et vous ?

Colmar, dit-elle avant de préciser qu’elle change de train à Mulhouse.

Vous arrivez à quelle heure ?

Elle fouille dans son sac à la recherche de ses billets pour me donner une réponse précise. Tout en me racontant que sa fille et son gendre viennent la chercher à la gare, qu’elle vient de Bretagne, n’est jamais allée dans l’est.

Vous avez le même accent que mon gendre, vous habitez à Belfort ? demande-t-elle

A une quarantaine de minutes de Belfort…

Vous avez , vous aussi, encore de la route à faire, sourit-elle.

J’ai l’habitude, je fais souvent le trajet.

Vous travaillez à Paris ?

Oui

Dans quelle branche si je peux me permettre ?

Dans la presse…

Je m’en doutais. C’est amusant. Lorsque je vous ai vu, j’ai pensé que vous étiez dans la presse…

C’est amusant, en effet.

Mon mari rêvait de faire ce métier.

Il n’est jamais trop tard…

Il est mort.

Excusez-moi.

Ce n’est pas grave… Vous ne pouviez pas deviner, sourit-elle en posant sa main sur mon avant-bras. Il avait lui aussi de grands yeux bleus et une barbichette…

Un cancer… ajoute-elle après un long silence. Il est parti en quelques semaines. Il allait avoir 62 ans. C’est arrivé l’année dernière, en avril. C’est dur, de se retrouver seule à 54 ans. Vous êtes marié ?

Oui…

Des enfants ?

Cinq… Et sans savoir pourquoi j’ajoute avec la même épouse…

Elle a de la chance. Que Dieu vous garde… ajoute-t-elle avant de se replonger dans la lecture de son magazine et moi dans l’écoute de l’album country de Trace Adkins Proud to be Here…