Ce soir c’est calme. Remarquablement paisible.
Je suis au fond de la voiture 8 comme à mon habitude. La nuit est tombée, le train démarre, j’étends mes jambes, la tête calée contre le dossier, les bras croisés sur le ventre, je m’endors.
Le chuintement d’une canette qu’on ouvre me réveille. Deux grands yeux sombres me fixent. Une femme est assise en face de moi toute de rose vêtue. Du serre-tête en laine, aux bottines, en passant par le rouge à lèvres, le vernis à ongles, le sac à main ou encore la coque de protection de son portable cette femme est un nuancier de roses.
Elle a de longs cheveux noirs, une bouille ronde, le teint pâle; deux énormes seins qui pendouillent mollement sous un pull rose informe; des cuisses boursouflées de cellulite, comprimées par un pantalon en simili cuir… rose. Elle sent la fraise.
Elle ne me quitte pas des yeux en sirotant une boisson énergisante à la taurine.
Engourdi par le sommeil et une longue journée, je ne sais pas comment réagir. Je jette un oeil au paysage, à mes chaussures toutes neuves, mon téléphone… sentant son regard sur moi.
Au bout de quelques minutes, prenant mon courage à deux mains, je tente un sourire auquel elle me répond d’une voix haut perchée un peu niaise :
On se connait ?
non.
Ah bon… J’aurais cru, ajoute-elle en se levant et avant de s’éloigner et de disparaître en dodelinant du fessier…