Confinés : petit voyage dans mes souvenirs

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Une fois la maison rangée ét réaménagée pour la 15e fois, la continuité pédagogique assurée, la balade réglementaire d’une heure effectuée, le pain cuit, la nouvelle recette de cuisine testée, la chronique du jour écrite, il ne me reste plus qu’à voyager dans mes souvenirs.

Le jour se lève. Le silence est tel que les aboiements des chiens du camp, pourtant à deux kilomètres du nôtre, semblent proches. Ceux de mon père se contentent de dresser nonchalamment les oreilles. Le temps est magnifique. Dans le ciel d’un bleu intense, les montagnes se détachent majestueusement à la lisière de la forêt. Arrivé sur place dans la nuit, je réalise en contemplant le paysage, combien tout cela me manquait. Voilà des années que je vis loin de cette vallée isolée des Rocheuses d’Alberta où j’ai passé ma jeunesse.

Les gens du camp attendent ta visite, dit mon père tout en nourrissant le feu de quartiers de bois bien secs, me ramenant à la réalité. Et à la raison pour laquelle je suis venu le rejoindre là où il vit depuis plus d’une dizaine d’années seul avec ses chiens.

Il y a quelques semaines, en effet, un appel d’un ami très proche m’a prévenu que la santé de mon père inquiétait les membres de cette communauté indienne. Qu’il fallait que je viennes. Il avait ajouté que le contexte marqué par de grosses pressions sur le camp de la part de compagnies forestières et pétrolières déterminées à exploiter les ressources natuelles au détriment des habitants n’arrangaient rien. « Ton père est têtu, il s’attaque à des gens puissants et prêts a tout pour le faire taire. Il faut que tu viennes pour lui faire entendre raison avant qu’il ne soit trop tard. Ses idées ne sont pas partagées par tout le monde. Il y a de gros enjeux financiers, des emplois, de l’argent facile… »

Il est 8 h 30, tu ferais bien d’y aller. Mon père revient à la ccharge tout en se mettant à scier du bois sec avec une régularité qui confine à l’obstination.  

Tu ne viens pas avec moi ? 

Non. Je préfère que tu y ailles seul. C’est toi qu’ils veullent voir. Je crois qu’ils en ont marre de m’entendre. Nos rapports se sont tendus ces deniers temps sourit-il. Je passe pour trop radical.

Une fois la soupe des chiens distribuée, le bois empilé, je me mets en route. La neige crisse sous mes bottes. Un couple de Wisky jack (geai gris) grassouillets m’accompagne, sautillant d’arbres en arbres. Ils cessent de me suivre à l’entrée du village. Ils attendront mon retour patiemment. 

La première maison, sur ma gauche, légèrement en retrait de la piste, est celle de Donald, le fils aîné de mon oncle Joe et chef du village. Tout est d’une propreté irréprochable. Donald, est certainement celui qui passe le plus de temps au camp. D’une jalousie maladive, il ne supporte pas qu’on regarde sa femme. Ici, il ne risque pas grand-chose. Personne n’oserait s’en approcher. Quatre de ses treize enfants jouent avec un scooter des neiges devant sa maison. Ils ne semblent pas faire attention à moi. Cela dit, je sais que dès que je serai passé, ils fonceront annoncer la nouvelle à leurs parents. Dans les dix minutes suivantes, tout le monde au camp sera au courant de mon arrivée. Je souris tout seul. 

De nouvelles maisons ont été construites, depuis mon dernier séjour. Parfois à côté des anciennes. Ce détail m’amuse. A mon époque, les gens du camp les brûlaient car elles attiraient les mauvais esprits. Décidément, même ici, à l’heure d’internet et des resaux sociaux, les temps changent ! 

Des chiens de différentes meutes viennent à ma rencontre. Les hostilités entre les différentes cessent. Les chefs et leurs lieutenants viennent la queue entre les jambes, la tête basse, en signe de respect.  

Un filet de fumée s’échappe de la cheminée de la maison de Joe et Dorothée. Etant les plus âgés, c’est par eux que toute visite doit commancer. Procéder autrement serait faire preuve d’un manque de respect totale. Joe est mon oncle adoptif. Les rideaux sont à peine ouverts. Un pick-up flambant neuf est garé devant la porte. Son moteur tourne au ralenti. Sur le plateau des jerricans vides sont entassés les uns à côté des autres.

L’approvisionnement en eau potable et bois de chauffage sont les deux activités principales des gens d’ici.  Il y a deux sources d’approvisionnement. L’une au Nord l’autre au Sud. Selon leurs goûts et leurs croyances, certaines familles vont à l’un ou l’autre. 

Même si les familles sont très proches l’une de l’autre, elles sont souvent en guerre. Pour éviter les mauvais sorts, et autres maléfices, elles évitent de s’approvisionner à la même source en même temps. 

Joe, va toujours au plus court, préférant la source proche est près de notre campement. Le plus souvent il en profite pour venir boire un café avec mon père.

Vue de l’extérieure, la maison de Joe et Dorothée est de plus en plus moderne. Le toit est couvert d’une sorte de toile goudronnée. Une énorme parabole est dans le jardin. Nous sommes bien loin des tentes et des tipis des premières années du camp. 

Au moment où je m’approche, la porte s’ouvre brutalement. Deux grands gaillards emmitouflés dans des combinaisons intégrales de scooter des neiges, sortent de la maison. Je reconnais les visages des cadets de la famille :  Paul et Lorny. 

Ils ont vieilli. Le visage émacié de Lorny trahit le tourment qui le ronge depuis des mois. Après le décès de l’un de leurs bébés, sa femme l’a quitté emmenant avec elle leurs cinq jeunes enfants. Paul quant à lui, est désormais un adulte, marié lui aussi et plusieurs fois papa, Une lueur d’innocence habite toujours la prunelle de ses yeux. Il a toujours été un chouette type, toujours de bonne humeur et généreux. Par son nom donné, en l’honneur de mon père, il a toujours eu une relation particulière avec nous. 

Lorny m’invite à entrer précisant : les parents t’attendent.

Le temps de me déchausser et mes yeux s’habituent à l’obscurité. 

Contrairement à beaucoup d’intérieurs Indiens, souvent dépouillés, la maîtresse de maison, Dorothée, en partie élevée par des religieuses, soigne la décoration. Les murs doublés en planches de Cèdre rouge sont tapissés de photos de famille et de calendriers offerts par l’administration de la réserve de Hobbema et par différentes stations services. De nombreux bibelots trônent sur les commodes. Détail encore plus inhabituel, les étagères d’une bibliothèque croulent de romans de la collection Arlequin. Dorothée est la seule personne du camp à lire. 

Joe et sa femme sont assis l’un en face de l’autre, au fond de la pièce, à la grande table de cuisine. Ici et là, des enfants que je ne reconnais pas jouent en me lançant des regards furtifs. Une des filles aînées de Joe, Om-si-mao, se tient au pieds d’une grande cuisinière à bois de fonte émaillée. Les manches de chemise retroussées, elle pétrit énergiquement de la pâte pour du bannock (pain Indien cuit au four). Une autre, Baby Girl, termine les mocassins d’un enfant. Des pièces d’un costume traditionnel de danse  d’un garçon sont posées soigneusement sur une chaise en face de la vieille machine à coudre Singer. Tout le monde lève la tête en me voyant entrer et chacune des personnes présentes  vient me saluer. 

Dorothée m’invite à m’approcher de la grande table.

Joe a beaucoup maigri et vieilli. Son teint est blême. Il semble ailleurs. On dirait qu’il n’a  même pas remarqué mon arrivée. Le regard dirigé vers la petite fenêtre carrée à sa droite, il contemple avec mélancolie la clairière nue qui s’étend devant sa maison entourée d’une solide clôture de planches bien droites. 

Dorothée m’attribue une chaise à la pointe du menton. 

J’acquiesce.  

Dorothée m’invite à m’approcher de la grande table.

Joe a beaucoup maigri et vieilli. Son teint est blême. Il semble ailleurs. On dirait qu’il n’a  même pas remarqué mon arrivée. Le regard dirigé vers la petite fenêtre carrée à sa droite, il contemple avec mélancolie la clairière nue qui s’étend devant sa maison entourée d’une solide clôture de planches bien droites. 

Dorothée m’attribue une chaise à la pointe du menton. 

Le vieil homme, explique-t-elle aussitôt, a des soucis qui l’empêchent de dormir.

J’acquiesce.  

Ce qui le tracasse par-dessus tout, c’est que les femmes ne s’intéressent plus à lui. Qui voudrait d’un vieux cow-boy usé comme lui ?

Qu’est-ce que tu racontes encore espèce de vieille chouette, bougonne Joe. Les propos moqueurs de son épouse le ramènent à la vie. Je peux te prouver le contraire quand tu veux.

Sa réaction provoque aussitôt un éclat de rire général. Au lieu de se démonter, Joe ajoute en haussant les épaules nonchalamment : « Je suis sûr qu’en France, il y a plein de belles et jeunes femmes, qui m’attendent. Il se tourne vers moi, sort sa pipe de sa poche. Tout en me fixant droit dans les yeux, il la bourre, l’allume, aspirant les premières bouffées avec contentement. Il ajoute : n’est-ce pas, Emmanuel ?  Quand est-ce que tu es arrivé ?

La nuit dernière. 

J’ai entendu passer votre camion vers une heure ou deux heures du matin. Je ne dormais pas, explique-t-il en se redressant dans sa chaise. Comment était la route ? demande-t-il sans détourner les yeux une seconde comme s’il craignait de laisser s’échapper quelque révélation importante. 

Pas trop mauvaise. La côte vers la rivière Brazeau n’est pas trop verglacée. Je suis monté sans difficultés particulières.  J’ai connu bien pire comme montée. Il y a même des fois où nous n’avons même pas pu monter… 

Joe rit en tirant sur sa pipe. Ce passage encaissé à 20 kilomètres du camp est la hantise des gens du camp. Été comme hiver il est toujours délicat à franchir, quand il n’est pas rendu impraticable par des coulées de boue ou de glace. Au camp, chacun a une histoire à raconter concernant ce passage.  

On dirait que le temps change, dis-je lançant une de ces conversations de paysan qui plaisent tant à mon oncle. Une interminable mélopée pleine de redites ou chacun approuve les paroles de l’autre : l’hiver qui n’en finit pas, les chevaux qui manquent de foin, les saisons qui n’en sont plus, les prédictions des anciens qui se vérifient… Malgré la futilité du sujet, Joe parle avec la lenteur mesurée d’un expert, dans un anglais des plus approximatif.

J’aimerais tant finir mes jours dans un pays sans hiver, dit mon oncle en soupirant. Je crois que je vais me prendre un billet pour Hawaii. Sans ma femme. 

Om-ci-mao, sa pâte à pain une fois prête, attise le feu dans la grande cuisinière en fonte. Baby-Girl et une autre des filles de Joe vont et viennent dans la pièce tirant de l’armoire des assiettes, des couverts, une jarre de sirop d’érable, du lait, du pain indien, du sucre, du beurre d’arachide, qu’elles posent sur la table.

Je souhaite que le temps reste froid jusqu’au mariage dans trois jours. Si la température remonte, les véhicules vont raviner la route. Joe marque une légère pose, tire une longue bouffée de sa pipe, les épaules jetées en arrière, les yeux fermés, il savoure l’instant. Exhale la fumée, puis demande : à propos, toi, tu es marié aussi ? 

Oui, il y a longtemps. 

On a jamais vu ta femme ou tes enfants. Pourquoi ? 

J’ai une grande  fille et trois garçon. 

Trois garçons, c’est bien ça ! acquiesce Dorothée d’un hochement de la tête appuyé de sons gutturaux. Mon aîné, Donald vient lui aussi d’avoir un petit garçon après douze filles, précise-t-elle aussitôt non sans une certaine fierté. 

Un guerrier de plus dans la famille surenchérit Joe. Son visage reprend des couleurs. Il était temps, j’en ai marre de toutes ces filles, peste-t-il. Pas moyen d’avoir la paix. Toujours en train de papoter à tord et à travers.  Elles me cassent les oreilles. 

De quoi te plains-tu ? Sur les quinze enfants que je t’ai donné, tu as cinq solides gaillards. Cela sans compter tes nombreux petits-fils. 

En guise de réponse, Joe se contente d’un grognement. D’une voix autoritaire, il exige qu’on nous serve le café et à manger.

Tu vois, cela t’arrange bien d’avoir beaucoup de femmes à la maison, enchaîne froidement Dorothée tout en essuyant  une tache sur la table avec le bas de son tablier de cuisine. Tu n’as qu’à mettre les deux pieds sous la table pour être servi. Tes fils, eux, à quoi te servent-ils ? Ils ne vont jamais à la chasse. Ils dorment jusqu’à midi et jouent toute la nuit. La plupart du temps ce sont mes filles qui tronçonnent, fendent et rentrent le bois. Ce sont-elles qui vont chercher de l’eau, et même nourrir tes chevaux…  et tout cela, en plus de notre travail quotidien. 

Une jeune fille d’une vingtaine d’année nous sert le café. Dorothée me demande si je la reconnais. 

Non, elle ne me dit rien, réponds-je en écarquillant les yeux. 

Ma surprise amuse tout le monde. 

Tu te souviens de Tédam, la fille aînée de Om-ci-mao ?

Oui.

C’est elle. 

Je n’en reviens pas. Je me souviens d’une petite fille boulotte toujours d’une humeur massacrante. J’ai devant moi une adolescente, coquette, mince, au visage resplendissant, respirant la bonne humeur. Ses yeux en amandes, me sont familiers.

Elle est bonne à marier, glousse Om-ce-mao, sa mère, qui revient d’une pièce voisine en poussant de la poussière et un amas de papiers avec son balai. Tédam s’approche, me serre mollement la main, en baissant les yeux pudiquement.

Le vieil homme a l’air très fatigué, lances-je prudemment à l’intention de Dorothée, alors que le corps de guingois, les jambes arquées, les bras ballants, Oncle Joe monte péniblement les escaliers jusqu’à la mezzanine où est installée leur chambre. 

Depuis la mort de son père, il croule sous les responsabilités, me fait-elle remarquer. Il n’était pas préparé à tout cela. Son père avait une trop grande personnalité. Il ne lui laissait pas la moindre initiative. Et puis les temps ont changé. Quand nous avons commencé, en 1968, le camp comptait de nombreux anciens. Toutes décisions étaient discutées lors des conseils tribaux. Ils s’en réunissaient quasiment tous les soirs. Aujourd’hui, il est le seul ancien avec ton père. Les jeunes ne les comprennent pas et ne les écoutent plus comme avant. Au début de ce camp, on avait dit pas de radios, de télévisions, pas trop de voitures. Pas de réseaux sociaux. Aujourd’hui, les jeunes préfèrent aller au supermarché que d’aller à la chasse. Ils passent leurs nuits à jouer aux jeux de hasard à fumer des cigarettes… Nos règlements interdisaient tout cela. Au train où vont les choses, notre camp ne va pas tarder à ressembler à ce qui se passe sur la réserve… Dorothée marque une pause, le temps d’ordonner à un de ses petits-enfants d’aller chercher du bois puis elle ajoute : nos jeunes se marient en dehors des réserves, leurs femmes préfèrent vivre, s’habiller,  se coiffer comme des blanches…. Nos fils se laissent manipuler au lieu d’écouter les anciens…

Je profite d’une pose pour lui faire des compliments sur le nouveau bâtiment communautaire à l’entrée du camp.

Elle acquiesce.

Depuis le temps que je l’attendais ! Elle semble très fière d’elle. Voilà des années que je demande à mes fils et mes petits-fils d’en construire un. Ils n’avaient jamais le temps, Mais grâce à Gary s’est fait. 

Gary ?

Oui, Gary Fitzpatrick de Calgary. 

C’est un blanc ? 

Oui, Gary est le grand patron de la compagnie Amoco. Il admire beaucoup ma famille et notre style de vie. Il nous a fait construire ce Hall par ses ouvriers à l’automne. Jamais des Indiens comme mes fils auraient fait de l’aussi bon travail. 

La remarque ne me choque ni ne la surprend. Mon père m’avait parlé déjà parlé de ce fameux Gary qui représente tout ce que mon père déteste le plus sur terre. 

L’ancien devenait trop petit et le toit commençait à céder, continue Dorothée sans hésiter. J’en suis très contente. Il est bien isolé au moins dans celui-là, on n’a pas froid. On peut organiser des powwow et des repas communautaires quel que soit le temps à longueur d’année. 

Elle me sort aussitôt une pile de photos de famille, d’une ancienne boîte de gâteau, retraçant la construction du fameux bâtiment qui se trouve à l’entrée du village et la fête que sa famille a organisé pour son inauguration. 

Sur de nombreux clichés un même couple de blancs pose, toujours souriant à pleines dents en compagnie de Joe et de sa femme. Je demande de qui il s’agit. 

C’est Gary  et son bras droit. Ils sont venus de Calgary pour  assister à notre fête. Cela. Gary est un homme bien qui aime et respecte notre culture, nos coutumes. . 

Bien sûr ! penses-je en moi-même. Les blancs ont toujours été très doués pour tromper les Indiens. En construisant ce bâtiment, gratuitement, ils achetaient le silence et la complicité des Indiens du camp. Mon père me racontait que certaines personnes du camp étaient même grassement payées pour servir d’intermédiaire entre la communauté et l’entreprise. 

La région regorge de matières premières : pétrole, gaz, schistes bitumineux, bois, anthracite, Un certain nombre de multinationales se partagent le magot et ne l’exploite tant qu’ils peuvent sans se soucier le moins du monde des répercussions éventuelles sur l’environnement. 

La compagnie pétrolière est là à la recherche de gisement de gaz de schiste. Le risque d’accident, elle n’en parle pas.  Dans la région, des émanations de gaz toxiques ont déjà fait des morts. Mais qu’à cela ne tienne, Wayne, le frère de Dorothée et sorcier officiel de la tribu leur a certifié qu’il n’y aurait pas d’accident. Il ne prend pas trop de risque, il n’habite que très rarement au camp, préférant le confort de la réserve. 

J’abandonne provisoirement le sujet sachant qu’il est délicat. Une des raisons des problèmes de mon père viennent en grande partie de ce désaccord avec la plupart des gars du camp sur ce sujet.  Tout le monde au camp sait ce qu’il en pense. La compagnie en premier. Ils seraient même à l’origines de menaces dont mon père a été la cible et qui expliquent ma présence dans la région aujourd’hui…

Une dernière rasade de café et je prends congé. Il me reste à rendre visite à Clara, la sœur de Joe. Elle habite seule avec l’une de ses filles un peu plus haut. Le temps est doux. La neige semble même fondre un peu en plein soleil. Je ne prends même pas la peine de fermer ma veste et d’enfiler mes moufles.

Confinés : la nuit je rêve de grands espaces

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La nuit lorsqu’il m’arrive de dormir, je m’envole souvent dans les paysages de mon enfance. Ces années passées dans les immenses espaces de l’Ouest et du Grand Nord canadien. Titillé par la lecture de Sauvage (dont j’ai fait une petite chronique). J’y ai passé la nuit…

Arraché au sommeil, par les hurlements d’un coyote, il me faut quelques minutes pour réaliser où je suis. Il fait encore nuit. Je sors le bras de mon sac de couchage et cherche à tâtons dans une de mes chaussures ma montre. Sept heures du matin. 

J’allume une bougie posée sur un billot de bois à ma tête. Profitant de la petite flamme vacillante, dont l’ombre folle danse sur les parois de notre tente, je jette un œil autour de moi en me redressant péniblement sur les coudes. Papa dort profondément, deux de ses chiens blottis à sa tête.  

Encore une bonne heure avant que le soleil ne se lève. Je souffle la bougie. En mourant la flamme dégage une désagréable odeur de cire brûlée qui heureusement s’évapore rapidement. Je soulève la toile épaisse qui sert de porte à notre tente et fouille l’horizon du regard. Les cimes des sapins découpent le ciel étoilé. La nuit est profonde. Silencieuse. La pleine lune pare de reflets argentés les quelques nuages vaporeux qui filent vers l’ouest.  

Soudain, les chiens attachés et roulés en boule autour de la tente redressent la tête.  Ils regardent tous dans la même direction. Après les coyotes, les loups s’y mettent. Des jappements suivis de hurlements auxquels répondent instantanément nos chiens. Réveillé en sursaut, mon père sort la tête de son sac de couchage, enfile ses lunettes, qu’il avait posé dans uns de ses chaussures, réajuste son bonnet de fourrure en plaquant les rabats sur  ses oreilles. Nos regards se croisent.  

Que se passe-t-il ? demande-t-il.   

Les loups, lui dis-je. 

Il y a plus d’un mois qu’ils tournent autour de notre camp, s’approchant régulièrement de plus en plus près. 

Ils aimeraient bien s’en payer un ou deux, sourit mon père en parlant de nos chiens. 

L’hiver a été très doux, jusqu’à maintenant, le gibier est en pleine forme. Les loups commencent à avoir faim. Il y a quelques jours, un vieux loup solitaire a tenté une percée désespérée avant de changer d’avis constatant que le rapport de force lui était défavorable. 

Mon père s’extrait péniblement de ses duvets, enfile un vieux pantalon militaire feutré des surplus de la police montée canadienne et se dirige vers le petit fourneau en se frottant énergiquement les mains.  Le froid est vif. Le thermomètre à l’entrée de la tente affiche -25C.

Tu as bien dormi ?  Demande-t-il tout en sélectionnant dans l’obscurité une poignée de brindilles de sapin bien sèches et du petit bois préparé la veille.  

Dès la première allumette, le feu craque et crépite portant la vie dans chacune de ses flammes. Leur lueur lèchent le visage de mon père, faisant fondre le givre sur sa barbe. Bientôt, le fourneau ronfle tel un moteur de locomotive, faisant danser nerveusement la cafetière d’où s’échappe la promesse d’un bon café.  

Mon père en avale une première tasse par petites gorgées, caressant doucement de ses lèvres le rebord du récipient fumant blotti dans la paume calleuse de ses mains, le  dos voûté, les coudes sur les cuisses. Une petite pause avant d’attaquer les galettes du petit-déjeuner.

Appréciant la chaleur, ses chiens s’étendent le plus près possible du fourneau. Mon père doit régulièrement les repousser du pied pour éviter qu’ils ne se roussissent par le poil.

On va avoir une belle journée, dit mon père en versant de la farine, des raisins secs, de la poudre d’œuf et de l’eau dans une grosse bassine en fer blanc.  Pendant qu’il en brasse énergiquement le contenu avec une grosse spatule en bois, ses chiens assis le panache de leurs queues chaudement enroulée sur leurs pattes de devant, l’observent avec une attention soutenue. Quand, le plus petit des deux, fait mine de  s’approcher de mon père, il provoque le dos rond de l’autre. Sensible à cette mise en garde feutrée, il se contente de transférer son poids d’une patte sur l’autre avec une impatience contenue mais désenchantée, promenant un regard apathique autour de lui. Plus le pain de mon père arrive à maturité plus les dandinements deviennent prononcés et plus mon père doit faire attention qu’une bagarre n’éclate pas. Un suspens rythmé par le chuintement des morceaux de glace qui glissent du toit de la tente le long du tuyau de poêle et viennent mourir sur le fourneau. Dehors le soleil, s’est enfin levé. 

Confinés : Disparaître avec Mathieu Menegaux

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Disparaître, De Mathieu Menegaux. Grasset. 210 p., 18 €

A Paris, rue des Trois-frère, dans le quartier des Abesses, une toute jeune femme se défenestre. Pour la police, le suicide ne fait pas de doute, l’affaire est classée. A Nice, un homme noyé échoue sur une plage, son corps est impossible à identifier. L’extrémité de ses doigts a été brûlée, et le séjour prolongé dans l’eau ont déformé son visage.

Cette affaire qui de toute évidence « pue » et s’annonce compliquée est confiée au capitaine Grondin, un parisien nouvellement affecté sur la Côte d’Azur.

Si je dois avouer avoir déviné assez vite le dénouement de cette histoire, la lecture de ce roman n’en reste pas moins addictive comme annoncé dans la quatrième de couverture. L’auteur dont les trois derniers romans chez Grasset ont été primés – Je me suis tue, (2015), Un fils parfait (2017), Est-ce ainsi que les hommes jugent ? (2018)- maîtrise bien l’art de la narration. Le style est agréable. Une belle découverte.

Confinés : Et si on faisait le tour du monde des insolites?

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De la Nouvelle-Zélande, où la délation se porte bien, aux balcons de Dubaï en passant par la Russie, les Etats-Unis, l’Australie… petit tour du monde du confinement

En Nouvelle-Zélande, la délation se porte (trop) bien. Comme dans de nombreux pays sur la planète, la Nouvelle-Zélande  (cinq millions d’habitants) a récemment fait le choix du confinement pour lutter contre la propagation de qui vous savez. Pour quatre semaines avec des consignes à respecter. Pour  signaler les éventuelles violations de ces dernières, le gouvernement a créé un site internet où les bons citoyens peuvent dénoncer les mauvais.  

Ce site a rencontré un tel succès (4 200 signalements) qu’il a planté quelques heures seulement après sa mise en ligne. Pour le chef de la police néo-zélandaise «Cela montre à quel point les Néo-Zélandais sont déterminés à ce que tout le monde respecte les consignes.»

Un marathon sur un balcon : La pandémie ayant bouleversé le calendrier des compétitions sportives dans le monde et limité les possibilités d’exercer des activités sportives en plein air, certains sportifs rivalisent d’imagination pour assouvir leur passion. Un couple  sud africain confiné à Dubaï a couru un marathon sur le balcon de leur  appartement.  Collin Allin, 41 ans, et son épouse Hilda onont parcouru 42,2 km en effectuant plus de 2100 allers-retours sur leur balcon d’une vingtaine de mètres de long. La distance a été parcourue en 5 heures, 9 minutes et 39 secondes. 

Près de Toulouse, sur un balcon de 7 mètres de long, un homme de 32 ans a fait plus de 6 000 allers-retours, encouragé par ses followers sur instagram. Une course qui a duré plus de six heures.  Un autre coureur a fait 727 fois le tour de sa terrasse, bouclant les 42,2 kilomètres en un peu plus de cinq heures sous les applaudissements des voisins. 

Un pourboire de 10 000 dollars: Aux États-Unis,  un homme a laissé dans un restaurant un pourboire de 10 000 dollars que les 20 employés de l’établissement se sont partagé avant d’être licenciés le lendemain en raison de la pandémie de coronavirus. 

Des aimants plein les narines: Un astrophysicien australien qui, pour tuer le temps pendant son confinement lié au coronavirus, cherchait à inventer un collier prévenant les contaminations, a fini à l’hôpital avec des aimants plein les narines. Ce chercheur à l’Université Swinburne de Melbourne, tentait de créer un dispositif émettant un signal quand on approche ses mains trop près de sa bouche. C’est en se frottant le nez que ce dernier s’est retrouvé avec des aimants dans les narines qui se sont refermées en pinçant sa cloison nasale. Le chercheur  aurait passé plus d’une heure à tenter de les retirer avant que sa compagne radiologue n’arrive à le convaincre d’aller à l’hôpital de Melbourne où elle exerce. 

Il apprend à conduire à son chien : Il y a quelques jours, les policiers de Seattle, dans le nord-ouest des États-Unis  reçoivent  le signalement d’une voiture  ayant heurté d’autres véhicules sans s’arrêter et roulant en zig-zags à plus de à près de 160 km/h. Lorsque les policiers parviennent l’arrêter le chauffard, ils se rendent compte qu’à la place du conducteur se trouve un pitbull. Son propriétaire assis côté passager, tourne le volant et actionne les pédales. Cet homme d’une cinquantaine d’années, sous l’influence de stupéfiants, explique aux forces de l’ordre qu’il tentait  d’apprendre à son chien à conduire.  

En Russie on fait l’amour : Les parcs, restaurants et musées étant fermés, les Russes ont plus de temps à consacrer à leurs proches. Pendant la première semaine de confinement, du 14 au 17 mars, les ventes de préservatifs et de lubrifiants se sont envolées de respectivement 147% et 124% sur Ozon, l’«Amazon russe». Même chose pour la lingerie et les tenues érotiques, notamment celui … d’infirmière dont les ventes ont été multipliées par 3.

Confinés : Mais qu’est-il devenu ?

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Je connais rien de lui. Nous nous sommes croisés un lundi soir dans le TGV qui me ramenait chez moi. Il allait voir son frère jumeau à Mulhouse. J’ai pensé à lui et me suis demandé ce qu’il était devenu…

La scène se déroule avant le grand chambardement, un lundi soir à bord du TGV entre Paris et Mulhouse. Il est vingt et une heure, le train est à l’arrêt en gare TGV de Besançon. La plupart des usagers sont descendus. Rares sont ceux qui montent à bord à cette heure tardive. Et pourtant.

Un vieux monsieur long et sec, coiffé d’un béret, s’arrête à ma hauteur. Il sent l’eau de Cologne et le tabac froid. Ses grands yeux bleus demandent de l »aide.

Bonjour, Je suis bien dans la voiture 8?

Oui, c’est bien la voiture 8.

Je cherche la place 44. Je la trouves pas…. Il me tend son billet. Ses mains tremblent. J’espère que je ne me suis pas trompé de train ?

Vous allez où?

Mulhouse

C’est le bon train. Installez-vous où vous voulez. Tout le monde est descendu.

Vous croyez? Je ne voudrais pas avoir des ennuis.

Croyez-moi, le contrôleur passe rarement. Le train nous appartient…

Il se glisse péniblement en face de moi, alors que le train démarre, et se retrouve l’espace d’un instant à cheval sur l’accoudoir séparant les deux sièges. Son complet, trop juste au niveaux des bras et des jambes, amplifie le grotesque de la scène.  Une fois installé, il s’éponge le front avec un grand mouchoir en tissus qu’il a sorti de sa poche en se contorsionnant. Une fois terminé, il le replie soigneusement avant de la remettre dans sa poche en se contorsionnant une fois de plus.

Il soupire, les deux mains calées sur ses cuisses et me demande si je suis bien sûr que ce train va à Mulhouse. Je lui confirme en lui expliquant que je le prends tous les jours ou presque. Il n’a pas l’air de vraiment m’écouter. Ces mains ne tremblent plus.. Il semble absorbé pas le nuit qui défile. Son visage anguleux se reflète dans la vitre strié de néons. Soudain, des larmes argentées perlent sur ses joues.

Tout va bien ?

Oui… me dit-il en essuyant son visage d’un revers de manche tout en reniflant bruyamment. J’avais jamais voyagé en TGV. C’est confortable… Je vais voir mon jumeau. Il habite à côté de Mulhouse. A Rixheim. Vous connaissez ?

De nom.

C’est là que je suis né, il y a 82 ans aujourd’hui…

J’allais lui souhaiter joyeux anniversaire lorsqu’il ajoute : La dernière fois qu’on s’est vu, c’est à l’enterrement de papa en septembre 1962. Depuis nous ne nous parlons plus.

J’ai perdu ma femme l’année passée. Nos fillesvivent dans le sud. Elles remontent rarement. Je vis seul. Après silence que quelques longues minutes, il poursuit le regard toujours tourné vers la fenêtre : Ya pas, faut qu’on s’explique. Ce n’est pas possible de continuer comme cela. Tout ça pour une histoire de terrain. C’est trop bête…

Je l’écoute, pas vraiment certain qu’il s’adresse à moi ou a son reflet dans la vitre.

L’arrivée en gare de Belfort étant imminente, je me lève. Il me regarde. Me demande si nous arrivons à Mulhouse.

C’est Belfort. Mulhouse c’est l’arrêt suivant. Le terminus.

Ah bon. Il me tend la main.

Je la lui serre en lui souhaitant bonne chance. Il me remercie et me souhaite une bonne soirée avant de replonger ses yeux humides et mélancoliques l’obscurité.

Confinés : Et si on se faisait peur !

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Contrairement à ce qu’affirment certaines personnes, la peur est bonne conseillère. Et elle peut facilement et gratuitement vous aider à tuer le temps en ces temps de confinement. Ces ressources sont inépuisables.


La matière première dans le domaine est abondante, le plus souvent gratuite. Vous pouvez même la fabriquer vous-même, sans trop d’effort. Attention, avant de vous lancer, une petite mise en condition, un échauffement, est souhaitable histoire de ne pas vous blesser… Avant de vous confier ma méthode, je tiens à préciser que je n’ai aucune qualification dans ce domaine. Je décline donc toute reponsabilité en cas de problème…

Echauffement : vous êtes dans votre lit. Votre portable vient de sonner. Il est l’heure de se lever. Éteignez-le et basculez sur le moteur de recherche de votre choix où vous avez créé une alerte Coronavirus ou Covid-19 bilan.

Commenccez à lire les chiffres. Le nombre de morts dans le monde, pays par pays, puis vous basculez en France avant de finir (façon de parler) dans votre région… Gardez toujours à l’esprit que l’on vous ment, que ces chiffres ne sont que la partie visible de l’iceberg. Que l’on vous cache la réalité, la vérité. On, c’est qui vous voulez Emmanuel Macron, les gouvernements chinois, russes, Israël, les lobbys phamaceutiques, ou mieux encore les migrants,… Vous avez l’embarras du choix.

Vous pouvez, selon votre niveau, relire trois ou quatre fois cette liste avant de vous lever, et d’alumer le poste de radio ou de télévision. Choisissez une chaîne d’info en continu. Et tenez-bon. Vous pouvez prériodiquement retenir votre souffle… Comme à la piscine… en tentant de de tenir le plus longtemps possible, sans jamais cesser de regarder les images qui passent en boucle.

Vous êtes chaud (ou mûr!) Prêt pour les réseaux sociaux. Connectez-vous et visionnez ces adorables videos où des spécialistes comme vous et moi révèlent au monde ce que l’on nous cache.

Si vous n’êtes pas familier des réseaux sociaux, allez sur des chaînes comme You Tube. Tapez : Covid-19 ou Coronavirus ce que l’on vous cache ou les vrais chiffres et vous serez comblés… Petit rappel, il est important d’écouter ces vidéos jusqu’au bout. Les révélations sont toujours à la fin. Choisissez les plus populaires (en vues) et imprégnez-vous des commentaires qui accopagnent ces vidéos. De salutaires temps de récupération.

Une fois de plus, la longueur de la séance dépend de vous. Mais il convient d’y aller franchement, sans la moindre modération en abusant du café. Sous peine de commencer à douter. Le doute, la remise en question de ce que vous entendez, lisez est votre pire ennemi.

Dernier petit conseil : en fin de séance, offrez vous une longue séance de pensée négative… et une overdose de séries sur le site de streaming de votre choix, cela ne fera qu’accentuer l’efficacité de vos entraînements quotidiens.

Confinés : Et si nous dénoncions nos voisins

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Lectures, séries télévisées, expositions virutelles, séances de sport adaptées… Depuis le début du confinement, nous sommes nombreux et nombreuses à parager des idées pour nous rendre le confinement plus agréable.

Une activité à pratiquer en famille…

Depuis le 16 mars, date historique du confinement de la population, on ne peut plus ouvrir une page internet sans tomber des propositions (plus ou moins heureuses!) destinées à nous rendre ce moment moins pénible.

Ma suggestion du jour est une activité complète qui vous occupera de longues heures, de jour comme de nuit. Une activité pratiquable avec les enfants, les amis et les grands parents, voir même en réseau et reconnue bénéfique pour la santé (des études scientifiques récentes montrent qu’elle libère des endorphines!). Certains parlent même de tradition française ou de sport national. Un label serait à l’étude… Une AOC… Appellation d’Origine Contrôlée…

En attendant que cela se fasse, je vous invite à pratiquer sans retenue la délation.. Pour cela il vous faut dans l’idéal des voisins, sinon une rue ou route passante, une fenêtre (la plupart des maisons modernes en sont équipées), une chaise (ou un fauteuil) un petit calepin, en gros de quoi noter vos observations et l’heure à laquelle elles ont été constatées (terme officiel et reconnu par les autoritées). Ne l’oubliez jamais, la précision fait la qualité de cet art. Par la suite, vous pouvez, bien entendu vous équipez d’une paire de jumelle, d’une caméra, et monter en gamme petit à petit. Il n’ y a logiquement aucune limite sinon votre budget… Mais sachez que plus c’est artisanal plus cela est gratifiant…

Il vous faudra ensuite un téléphone ou un ordinateur (le courrier n’étant plus vriament assuré) pour faire suivre vos rapports… A ce sujet, évitez d’appeler le 17 pour faire par de vos observations. Ce standard n’est pas prévu pour gérer ce type d’informations tout aussi intéressantes fussent-elles. Une précision inportante lorsque l’on apprend que depuis le début du confinenment, les appels de ce genre se multiplient de manière exponentielle. En partiuculier après l’annonce de nouvelles mesures.

Le Centre opérationnel de la gendarmerie de Privas «a reçu près 600 appels par jour au début du confinement» du genre : « Mon voisin discute avec beaucoup de gens et ne respecte pas le confinement» ou «il y a trop de monde chez mon voisin». «Il y a toujours un pic quand il y a des annonces de nouvelles mesures par le gouvernement. Aujourd’hui, ça tourne autour de 300, » précise encore un représentant de ce centre opérationnel qui tient toutefois a rappeler que signaler des rassemblements ne «sont pas de la délation, mais de la dénonciation, parce que derrière il y a un intérêt sanitaire et donc général». Dénonciation ou délation… comme je vous le disais la délation est un art qui demande entre autre du discernement et pourquoi par un numéro dédié comme le 3945…

Confinés : et si nous lisions My absolute darling

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En prenant conscience qu’une autre vie est possible, une jeune fille, victime d’un père sociopathe, abusif et incestueux, comprend que tuer ou mourir pourrait être le prix à payer pour son émancipation. Un roman à ne surtout pas manquer !

My Absolute Darling, de Gabriel Tallent Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Derajinski, Éd. Gallmeister, 456 p., 24,40 €

Depuis la disparition mystérieuse de sa mère, Turtle, 14 ans, vit avec son père dans une cabane déglinguée et isolée au bord du Pacifique, dans le nord de la la Californie. Sa vie sociale se limite au collège où son père ne la laisse jamais aller seule.

Le reste du temps, la gamine passe ses journées à démonter, nettoyer et remonter ses armes, à s’exercer au tir ou à arpenter les forêts et les plages, pieds nus. La nature, luxuriante, splendide, omniprésente, n’a aucun secret pour elle. Elle est capable d’y survivre en tirant parti des moindres ressources disponibles. Avaler un scorpion vivant ne lui fait pas peur.

Des connaissances qu’elle doit à son père, Martin. Adepte du mouvement survivaliste, ce personnage charismatique est persuadé que le monde court à sa perte, qu’une catastrophe écologique majeure est proche. Pour s’y préparer, depuis des années, il entraîne sa fille à la dure, sous le regard perplexe de son propre père qui vit à proximité dans une vieille caravane en ruine.

À 6 ans, il l’initiait au tir. Aujourd’hui, son aisance avec les armes est l’une des rares occasions où son père semble fier d’elle. Pour le reste, ce sociopathe, amateur de philosophie, pervers, manipulateur, abusif et incestueux ne lui fait pas de cadeau, enchaînant non sans un certain talent tortures, vexations, et humiliations en tout genre.

Partagée entre le désir permanent de fuir et d’être un jour digne de l’« amour » qu’il lui porte, elle profite de ses sorties en forêt pour se ressourcer. Jusqu’au jour où elle y croise deux ados qui se sont égarés. Après les avoir observés discrètement, elle va leur proposer de les ramener chez eux.

Une occasion inespérée de découvrir brièvement une vie de famille apaisée. Cette rencontre et la relation naissante avec Jacob, l’un des adolescents, va entamer sa carapace, faire naître le doute au sujet du comportement de son père mais aussi et surtout lui faire comprendre que le prix qu’elle va devoir payer pour accéder à cet autre monde risque d’être élevé.

Autant prévenir, ce huis clos est de bout en bout d’une noirceur absolue, rien ne nous est épargné. L’auteur, dont c’est le premier roman, nous fait vivre par le détail ce que doit endurer cette jeune fille, sans jamais sombrer dans le voyeurisme, la facilité ou la complaisance.

Avec une infinie délicatesse et finesse, il décortique la complexité de leurs rapports. Le résultat est à ce point convaincant qu’on éprouve sans cesse l’envie de plonger au cœur des mots pour prêter main-forte à cette époustouflante et émouvante héroïne.

Confinés, on va pas se plaindre

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Lorsque l’on passe ses journées et soirées à suivre l’actualité, la base de notre beau métier de journaliste, il faut surtout veiller à ne pas s’y embourber.

Ce matin l’air est aussi frais que soleil est généreux. J’avale un grand bol d’eau en regardant mes plus proches voisins, trois jeunes chevaux, brouter. Le village est silencieux. Mise à part les branches des vernes qui bordent le petit ruisseau derière chez moi, tout semble figé.

Je relance le feu en remuant les braises et me lance dans la préparation du petit déjeuner. Les enfants dorment encore. Bientôt le fourneau roronne, le feux crépite et craque joyeusement, l’odeur du café et des crêpes envahit la cuisine. Tout cela me semble si loin de cette réalité effrayante quotidienne. Un sentiment de culpabilité me gagne souvent lorsque je pense à celles et ceux qui sont au coeur de l’horreur…

Hier, le Covid-19 a fait 860 morts en France. Nous sommes désormais en état d’urgence sanitaire pour deux mois. Le confinement se durcit. Avec de nouvelles règles…Comment pourrait-il en être autrement, plus de 2 000 patients étaient en réanimation. Des chiffres qui donnent froid dans le dos. A Cornimont, à quelques dizaines de kilomètres de chez moi, vingt résidents d’un EHPAD seraient morts « en lien possible avec le Covid-19 », selon les autorités vosgiennes. Puis il y a ces nouvelles de connnaissances, amis et collègues touchés par le virus qui chaque jour sont plus nombreux…

Une effroyable réalité qui touche la planète dans son ensemble d’une manière ou d’une autre. Toujours hier, le nouveau coronavirus a fait au moins 15 189 morts dans le monde, dont une nette majorité désormais en Europe, depuis son apparition en décembre.

Pendant que je remplis la caisse à bois pour la journée, les chiffres défilent ; l’Europe totalisait, lundi 23 mars, 172 238 cas et 9 197 décès ; l’Asie 97 783 cas et 3 539 décès ; les États-Unis et le Canada 36 554 cas et 490 décès ; le Moyen-Orient 26 688 cas et 1 841 décès ; l’Amérique latine et les Caraïbes 5 130 cas et 65 décès ; l’Afrique 1 479 cas et 49 décès ; et l’Océanie 1 433 cas et 8 décès…

Il est 8 h 30, le soleil brille toujours aussi généreusment. Dehors, des oiseaux célèbrent le printemps. Je remonte dans mon bureau pour une nouvelle journée de télétravail prêt à en découdre avec les surprises du jour. Je relis les dépèches de l’AFP, des plus récente aux plus anciennes, la première annonce la mort du jazzman camerounais Manu Dibango…

Émotions

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Depuis le début de cette crise, je fais mon possible pour garder la tête froide, pour ne pas céder à ces émotions qui vous font souvent penser et dire  n’importe quoi.  Essentiellement pour préserver mes enfants. 

Pour ce faire, j’évite autant que possibles les prophètes de tous poils qui pullulent sur les réseaux sociaux avec leurs théories à la con. J’évite même les réseaux sociaux tout court.  Mais parfois on se fait prendre au dépourvu par l’émotion.  

Cette après-midi, alors que je devais relire un papier pour une page que j’avais à faire pour La Croix, je suis tombé sur le témoignage de Céline, une infirmière en réanimation de Strasbourg. Et là  je me suis retrouvé comme rarement submergé par une immense tristesse en l’écoutant parler de  cette peur  qui chaque jour grandit…

Une émotion liée au témoignage mais aussi à la présence d’êtres aimés dans cette région très touchée du Grand Est.

Après les larmes suivies d’une étrange sensation d’impuissance, cette émotion m’a rappelé combien nos vies sont fragiles, précieuses et combien se recentrer sur l’essentiel est important.