Paris, Gare de Lyon. 19 h 19. Message du chef de bord : « Les personnes accompagnant les voyageurs sont invitées à quitter le train. Le départ est imminent ».
Une dernière accolade, un sourire résigné, une petite larme séchée d’un revers de manche, une poignée de main, un dernier baisé… le temps est venu de se séparer. Ils et elles se frayent un passage vers la sortie, croisant quelques retardataires en quête d’une place libre.
Ma voisine de droite est une dame toute ronde, aux cheveux rouges, aux doigts potelés qui à peine assise, s’est mise à gober goulument des nouilles chinoises luisantes de graisse. Celle de gauche, une grande gigue aux jambes interminables n’en finit pas de s’installer produisant un maximum de bruits et de mouvements.
« Mesdames et messieurs, s’il vous plait »…. Un blondinet d’une trentaine d’années, mal rasé, rondouillard, à la voix de crécelle, déboule voiture 8. « Excusez-moi, il me manque 10 euros pour que je puisse prendre mon billet de train. S’il vous plaît… C’est urgent, je suis en galère…. Le train va partir, il faut que je rentre chez moi. Il ne me manque que dix euros. Dix euros… » Il remonte le couloir, l’oeil aux aguets, affectant un air désespéré. Il semble essoufflé et au bord des larmes.
Une jeune fille fouille fiévreusement dans son sac et lui tend en s’excusant presque une poignée de pièces… L’acte de générosité en provoque un autre puis un autre… Il encaisse lâchant avec parcimonie quelques « mercis » furtifs avant de disparaître.
Je n’ai aucune idée combien cette grossière comédie quasi quotidienne lui rapporte, mais ce jeudi soir la récolte semblait particulièrement bonne.
J’aimerais en sourire, me réjouir pour lui, mais je ne peux m’empêcher d’éprouver un certain malaise à l’égard de ceux et celles qui se se font avoir…