« Merci mon frère ! »

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IMG_0315Je ne connais ni son nom. Ni son prénom. Il est grand, efflanqué, le teint pâle, les yeux bleus, les cheveux ébouriffés. Il ne tient pas en place. Lorsqu’il vous aborde, pour vous demander une pièce ou deux, il danse d’un pied sur l’autre, se tortille comme s’il essayait de se glisser à travers le chat d’une aiguille.

Je le connais de vue depuis longtemps. Ses yeux me disent qu’il me reconnait lui aussi lorsqu’il me gratifie d’un « Merci mon frère. »

Mercredi soir, en le voyant sur le quai de la gare de Lyon, je lui ai trouvé une bien mauvaise mine. Le dos est vouté, la tête dans les épaules comme pour se protéger d’un mauvais coup de la vie.

De blanc, le teint de sa peau a viré au gris. Il est agité, les yeux égarés. Les bons mots et les citations d’auteurs sont remplacés par tirades qui n’ont de sens que pour lui. Lorsqu’il s’approche des usagers ses derniers tentent de l’éviter.
Je lui fais cadeau de la monnaie au fond de mes poches. Il me remercie puis tourne sur lui-même, les pieds nus dans des mocassins crasseux. Battant des bras comme un oiseau sans plume.

Il aborde une femme qui vient d’allumer une cigarette. Il lui en demande une, un brin de sourire aux lèvres. Elle sort le paquet, le lui tend avec un briquet. « Prenez ce que vous voulez. »

Il en prend une délicatement et tourne à nouveau sur lui-même. D’un geste précis, elle le rattrape délicatement par le bras. Lui prend la main. Il lève la tête vers le ciel pour sermoner un pigeon…

Elle pose une grosse poignée de cigarettes dans le creux de sa main en lui souriant. Il la remercie avant de se fondre dans la foule.

2 réflexions sur “« Merci mon frère ! »

  1. Ceci me rappelle du temps où j’étais bidasse (1965 !) Toutes les semaines, après avoir vu ma « belle », je prenais le train entre Clamart et Porte de Vanves… Un soir, à la sortie de la gare, j’entends un appel qui semble sortir d’un gros tas de cartons et de chiffons sur le trottoir… derrière cet amas, c’était quelqu’un que l’on qualifiait alors de « clodo » qui m’apostrophait en me réclamant une cigarette ! Les « troupes » étaient gratuites : je lui filais mon paquet… Remerciements chaleureux… A chacune des semaines suivantes, je pris bien soin de renouveler le geste… jusqu’au jour où… il ne fut plus là ! Et j’y pense encore après tout ce temps…

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