Confinés : Mais qu’est-il devenu ?

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Je connais rien de lui. Nous nous sommes croisés un lundi soir dans le TGV qui me ramenait chez moi. Il allait voir son frère jumeau à Mulhouse. J’ai pensé à lui et me suis demandé ce qu’il était devenu…

La scène se déroule avant le grand chambardement, un lundi soir à bord du TGV entre Paris et Mulhouse. Il est vingt et une heure, le train est à l’arrêt en gare TGV de Besançon. La plupart des usagers sont descendus. Rares sont ceux qui montent à bord à cette heure tardive. Et pourtant.

Un vieux monsieur long et sec, coiffé d’un béret, s’arrête à ma hauteur. Il sent l’eau de Cologne et le tabac froid. Ses grands yeux bleus demandent de l »aide.

Bonjour, Je suis bien dans la voiture 8?

Oui, c’est bien la voiture 8.

Je cherche la place 44. Je la trouves pas…. Il me tend son billet. Ses mains tremblent. J’espère que je ne me suis pas trompé de train ?

Vous allez où?

Mulhouse

C’est le bon train. Installez-vous où vous voulez. Tout le monde est descendu.

Vous croyez? Je ne voudrais pas avoir des ennuis.

Croyez-moi, le contrôleur passe rarement. Le train nous appartient…

Il se glisse péniblement en face de moi, alors que le train démarre, et se retrouve l’espace d’un instant à cheval sur l’accoudoir séparant les deux sièges. Son complet, trop juste au niveaux des bras et des jambes, amplifie le grotesque de la scène.  Une fois installé, il s’éponge le front avec un grand mouchoir en tissus qu’il a sorti de sa poche en se contorsionnant. Une fois terminé, il le replie soigneusement avant de la remettre dans sa poche en se contorsionnant une fois de plus.

Il soupire, les deux mains calées sur ses cuisses et me demande si je suis bien sûr que ce train va à Mulhouse. Je lui confirme en lui expliquant que je le prends tous les jours ou presque. Il n’a pas l’air de vraiment m’écouter. Ces mains ne tremblent plus.. Il semble absorbé pas le nuit qui défile. Son visage anguleux se reflète dans la vitre strié de néons. Soudain, des larmes argentées perlent sur ses joues.

Tout va bien ?

Oui… me dit-il en essuyant son visage d’un revers de manche tout en reniflant bruyamment. J’avais jamais voyagé en TGV. C’est confortable… Je vais voir mon jumeau. Il habite à côté de Mulhouse. A Rixheim. Vous connaissez ?

De nom.

C’est là que je suis né, il y a 82 ans aujourd’hui…

J’allais lui souhaiter joyeux anniversaire lorsqu’il ajoute : La dernière fois qu’on s’est vu, c’est à l’enterrement de papa en septembre 1962. Depuis nous ne nous parlons plus.

J’ai perdu ma femme l’année passée. Nos fillesvivent dans le sud. Elles remontent rarement. Je vis seul. Après silence que quelques longues minutes, il poursuit le regard toujours tourné vers la fenêtre : Ya pas, faut qu’on s’explique. Ce n’est pas possible de continuer comme cela. Tout ça pour une histoire de terrain. C’est trop bête…

Je l’écoute, pas vraiment certain qu’il s’adresse à moi ou a son reflet dans la vitre.

L’arrivée en gare de Belfort étant imminente, je me lève. Il me regarde. Me demande si nous arrivons à Mulhouse.

C’est Belfort. Mulhouse c’est l’arrêt suivant. Le terminus.

Ah bon. Il me tend la main.

Je la lui serre en lui souhaitant bonne chance. Il me remercie et me souhaite une bonne soirée avant de replonger ses yeux humides et mélancoliques l’obscurité.

Pas ici, il a l’air trop chelou

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IMG_5409Lundi 11 août. Train du retour.

Je suis à peine assis à ma place que j’éprouve une irrésistible envie de me glisser dans les bras de Morphée.

La panne sur la ligne B, provoquée par un accident de voyageur à la station Châtelet-les-Halles m’a fatigué. Et pour cause, j’ai  bien cru rater mon train de 19 H 23. Le dernier en cette période estival.

Un petit dodo après un coup de stress, y’a rien de comparable. Mon casque sur les oreilles, je plonge, sans retenue et sans rendre le temps d’enclencher la musique.

« Pas ici. Il a l’air trop chelou… t’as vu sa tête de ouf »

J’ouvre les yeux.  Deux adolescentes prennent leur jambes à leur cou en gloussant bêtement, leurs valises à roulettes percutant les montants des sièges…

Intrigué, je regarde autour de moi. Je suis seul dans le compartiment. Je me regarde dans la vitre. C’est vrais que je suis chelou avec ma chetron de ouf…

Demain, peut-être, j’arrête… de râler contre la SNCF

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J’en suis conscient. Je râle trop. Je n’arrête pas de me plaindre, de dénigrer notre chemin de fer national. Il faut que de temps en temps je dise quelque chose de sympa sur la SNCF et son personnel sans qui je ne pourrais plus aller au travail chaque jour. (Un grand merci à tous et à toutes!)

Je pourrais dire, par exemple, que depuis bientôt un an elle est une sorte de muse, une source d’inspiration permanente… (C’est dit !)

Mais il ne faut pas que j’en fasse trop dans ce sens car faut reconnaître que dire du mal de la SNCF c’est vendeur. Plus tu râles plus t’es lu.

Jeudi 1er mai, 5 H 55, le train est plein

La voiture 8 est occupée par un groupe de personnes âgées en route pour Londres. Le train n’a pas encore démarré que l’une d’entre-elles semble déterminée à raconter sa vie à l’ensemble du compartiment résigné. Elle parle fort, très fort.

Le niveau sonore est tel que même les hurlements dans mes écouteurs, de Lemmy Kilmister, alias Ian Fraser, bassiste, chanteur et parolier du groupe de heavy metal Motörhead, n’arrivent pas à couvrir le flot de ses paroles.

Avec en fond sonore Dead men tell no lie, je l’entend évoquer les étapes de la journée qui attend le petit groupe ;

Sur Lawmen, elle demande à ses copines si elles préfèrent aller jusqu’à la Gare du Nord en RER ou en Métro, précisant qu’elles ont du temps devant elles. (Suit une énumération précise des avantages de l’un sur l’autre…)

Sur Sweet Revenge, elle explique pourquoi elle préfère le train à  l’avion. Elle enchaîne avec le prix exorbitant des hôtels à Londres.

Sur Sharpshooter et Poison : elle évoque ses précédents voyages, ses traversées en bateau, l’obscurité du tunnel sous la Manche.

Stone Dead Forever : elle était à Londres pour les JO, pour le Jubilé de la Reine, deux séjours pendant lesquels elle a visité tous les sites à voir. Elle en égraine la liste… s’apercevant qu’elle doit encore en visiter d’autres.

Entre All the Aces et Bomber, le titre phare de l’album, la nervosité monte, le débit est en phase avec la vitesse du train qui file à 322 km/h en direction de la capitale… pour détendre l’atmosphère elle se met à détailler le prix des habits qu’elle porte et le lieu où elle les a acheté… le pantalon à 40€ acheté pour les 50 ans de Monique, la sœur à Michel; 13 € le haut pour le mariage de Mathilde la fille au Gérard, le cousin de Monique. Non l’autre Monique, celle qui qui est mariée avec Jean-Claude…

J’ai le crâne en bouillie. Les nerfs à fleur de peau. J’aimerais dormir.

raleur-vip-blog-com-911739mauvai10Vendredi 2 mai, 5 h 55, le train est vide

Pont du 1er mai, nous sommes une dizaine de personnes à nous partager les deux niveaux de la voiture 6.

Je suis à peine assis que je sombre dans un sommeil profond en écoutant un album de Manu Katché.

Besançon. Une personne monte.

Dijon. 5 personnes descendent, trois montent.

Je me rendors.

Quelqu’un me secoue. Énergiquement.

Les contrôleurs?

Je me redresse, en catastrophe. Commence à fouiller dans mon sac. Du coin de l’œil, j’aperçois un jean et des chaussures de sport. Je lève les yeux : un usager d’une soixantaine d’année, coiffé comme un dessous de bras, essaye de me faire comprendre par des gestes qu’il souhaite s’asseoir à « sa » place.

Je me lève, regarde autour de moi. Nous sommes quasiment seuls. Je crois rêver. Qu’ais-je fait pour mériter cela ? Le rythme roboratif des batteries de Manu Katché m’incite au calme, à ne pas dire à ce monsieur ce que je pense. Toutes sortes de noms d’oiseaux me viennent à l’esprit.  Debout, j’en profite pour aller m’asseoir quatre rangées de sièges vides plus loin. Où je me  m’endors aussitôt…

Faut vraiment que j’arrête de râler….

 

A la SNCF on chouchoute ses clients

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cartes fideliteJe préfère en parler aujourd’hui pendant que je suis en possession de toutes mes capacités émotionnelles. Dans quelques jours, en effet, ma vie va changer. Radicalement. Je dois obtenir le statut de Grand Voyageur Le Club. Le nec plus ultra de la carte de fidélité SNCF.

Certes, il me faudra attendre encore quelques semaines avant d’avoir la dite carte,  et jouir (le mot n’est pas trop fort!) des avantages insensés qu’elle me procurera. Je me vois  déjà la  glisser, non sans une certaine émotion, à la place de la carte grand voyageur plus… la présenter pour la première fois au contrôleur… ou aux charmantes hôtesses des salons.

Pour ceux qui n’ont pas le bonheur de prendre le train quotidiennement, cela peut sembler anecdotique. Ce n’est pas le cas, cette carte vous pose un homme ou une femme et elle vous  donne accès aux cafés gratuits dans les salons grands voyageurs, lorsqu’ils existent.

Un privilège qu’il faut mériter (ce qui fait sa qualité et son charme). Il m’aura fallu dépenser la bagatelle de 7661 euros pour accéder au statut. Avec l’objectif chaque année de le conserver en dépensant un minimum de 3500 euros.

Il serait mesquin de ne pas préciser que je gagne également le droit (sous certaines conditions) d’accéder au train suivant… Elle est pas belle la vie?

J’aime beaucoup ce que vous écrivez, mais…

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Chroniquesdurail ?

Oui

Bonjour. J’aime beaucoup ce que vous écrivez. Je vous lis tous les jours.

Merci!

J’ai été ému par  la lettre à Mémé, le récit de votre voyage avec des exposants du Salon de l’Agriculture m’a fait beaucoup rire. J’écoute les musiciens dont vous parlez, je lis les livres que vous chroniquez…

Une partie de mon cerveau dit encore, une autre arrêtez ce n’est pas raisonnable…

Mais, si je peux me permettre, je trouve que parfois vous tournez en rond. Arrêtez de nous parler ce votre abonnement annuel, des retards qui vous  font gagner des poins monnaie. Il n’y a pas longtemps, vous avez même fait de la publicité à la SNCF. Comment envisagez-vous la suite ? Evitez de trop parler de vous. Il y a assez de blogs nombrilistes, réservez vos états d’âmes à vos publications Facebook

Ma tête dit oui

Vous qui aimez le polar, les romans noirs, pourquoi ne faites-vous pas des chroniques à énigmes. Il faut penser à muscler vos chroniques avec de la violence, du sexe. Il vous faut un personnage récurrent,  un tueur en série ou un terroriste…

Une légère pression sur mon avant-bras. J’ouvre les yeux, essuie discrètement un filet de bave au coin de ma bouche. Je masse mes cervicales engourdies, je tente  d’étendre mes jambes  aussitôt découragé par les regard de l’un des deux types joufflus qui me font face. Tiens, le colza est en fleur.

Valise à roulettes, je te hais

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en ordre de batailleOn la croise partout, sous différentes formes, tailles, couleurs. Dans les aéroports, les grandes surfaces, en ville, à la campagne, sur le chemin de l’école, du travail et dans les gares. Il s’en vendrait plus de deux millions par an dans l’Hexagone.

Quelle que soit l’heure, de la journée ou de la nuit, à l’arrivée ou au départ d’un train, chaque jour, c’est le même festival de valise à roulettes qui s’enclenche. Le bruit entêtant de centaines de petites roues sur le ciment, les passerelles en bois ou en acier vous vrille les tympans. Si vous ne faites pas attention, la probabilité de vous faire écraser les pieds, d’avoir les tendons sciés, ou de trébucher monte en flèche.

Si vous êtes pressé, éviter l’escalier mécanique. Le  flux de voyageurs peut être bloqué à tout moment par un voyageur qui s’arrête, sans crier gare,  pour chercher comment rentrer la poignée télescopique de sa valise  et en haut,  comment la sortir…

J’en suis conscient, cette haine n’a rien de rationnelle. Elle frise le ridicule. Il serait préférable d’apprécier cet objet pour le confort qu’il procure aux usagers. Mais c’est plus fort que moi. Je déteste cet objet. En particulier celle avec quatre roulettes, si facile à tirer, qui change de direction sans le moindre effort pour mieux faucher l’usager rêveur ou mal réveillé…

Ce lundi 3 mars matin, à l’aube,  j’ai failli craquer lorsqu’une quadra brune, aux lèvres pincées, tractant une grosse valise grise a commencé à faire d’innombrables allers et retours fiévreux autour de moi comme un papillon de nuit dans la lueur d’un réverbère.

A chaque passage, pour l’éviter,  je devais reculer d’un ou deux pas. Jusqu’au moment où bloqué par un mur, mes pieds n’ont pas échappé aux roulettes, déséquilibrant sa valise qui terminera sa course  sur une roue et dans les jambes d’un autre usager.

Madame…  criais-je alors excédé. Madame… Elle se retourne, interloquée.

Votre valise. Faut faire attention.  Vous n’arrêtez pas de me couper la route depuis dix minutes, de passer et repasser. Ça suffit.

Elle me regarde la mine défaite. Ne sachant que répondre. Profitant de l’annonce du départ imminent  du train, elle s’éclipse sans se retourner,  suivi de près par sa grosse valise.

Stupeur et ronflements

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225px-SMirC-zzz.svgCe matin, je suis motivé. Au lieu de dormir, je vais terminer la chronique de l’excellent Mapuche, de Caryl Férey. Une toute petite chronique pour un très grand livre que je recommande d’autant plus  chaudement que je suis passé à côté au moment de sa sortie en grand format en 2012  alors que les critiques étaient unanimement positives.

Les conditions pour travailler sont optimales. La plupart des usagers dorment.

Je déplie mon portable, tape mon code (plusieurs fois), le titre du roman, les références… et je réfléchis à la manière d’attaquer mon papier.

La tête de mon voisin, qui dort profondément, bascule en avant. Une position qui déclenche aussitôt des ronflements impressionnants. Petite pression de mon coude sur son avant-bras. Le ronflement persiste. Je tire sur le scratch de sac. Une fois, deux fois, trois. Le bruit réveille ma voisine sur ma gauche. Elle me fusille du regard. La jeune fille sur le siège devant moi se retourne brièvement.

Anti-ronflement. Gratuit et sans ordonnance !

Anti-ronflement. Gratuit et sans ordonnance !

Les ronflements continuent. Mon voisin a des bouchons d’oreille. Jugeant qu’il y a préméditation de sa part, je martyrise les touches de mon portable avant de lui planter mon coude dans le bras en toussant comme un bronchitique chronique.

Il relève la tête. Ouvre un œil.

Je m’excuse… tout en tentant de réfléchir à la suite de mon papier. Les ronflements reprennent alors que sa tête a basculé en arrière.

Il y a des jours où, avec la meilleure des volontés, on arrive à pas grand-chose.