19 h 10 sur le quai de la gare de Lyon. J’attends que les gens finissent de s’installer à bord du train. Comme les fumeurs et les resquilleurs, je ne monte qu’au tout dernier moment. Cela me permet de choisir ma place en fonction de mon humeur et de mes attentes.
Sur ma droite, de petits cris de joie simulée attirent mon attention. Deux femmes d’une quarantaine d’années se claquent la bise dans le vide.
La première, des rides d’amertume aux commissures des lèvres, des cheveux coupés au carré, auburn, qui lui masquent une partie du visage, un pantalon militaire, aux poches arrachées, une veste en jean élimée sur un chemisier blancs, tient l’avant-bras de sa copine.
Alors ces vacances ? demande-t-elle avec un enthousiasme surjoué.
Super, répond la seconde, la peau brûlée et constellée de taches. Ces cheveux longs blonds virent au gris. Salopette en jean, veste en cuir, talons hauts.
Je vois. Tu es toute bronzée. Tu as super méga bonne mine, constate la première avec un fort accent parisien.
Franchement ? Moi ? Tu veux vraiment savoir ? J’ai la rage. Il a plu tout le temps. Pas terrible.
Tu as repris le taf ?
Ce matin.
Super. Moi aussi. Tu connais la dernière ?
Non.
Laura est enceinte.
De Benoît ?
Himself
C’est pas vrais ! Elle est folle ou quoi ? Elle se rend compte de ce qu’elle fait.
Elle a toujours dit qu’elle voulait un morveux pour ses trente-huit balais…
Oui. Ok. Mais pas avec Benoît. Ils passent déjà leur temps à s’engueuler. Un lardon ça va pas arranger les choses.
Ils vont voir que la vie c’est pas Disneyland… C’est chaud. Les mecs sont des égoïstes. C’est pour cela que j’ai fait le choix de profiter de ma « life » seule. D’accord, Benoît, il est beau. Ya rien à dire. Mais le jour où il en aura marre, il partira, comme tous les mecs.
Déjà, il a changé. Tu trouves pas ? Avant ils allaient au cinéma, faisaient du sport ensemble. Tout ça c’est déjà fini…
Je souris en vérifiant l’heure sur l’horloge du quai. Nos regards se croisent alors que je souris encore….
C’est moi qui vous fais rire Monsieur ? J’ai une tête de bouffonne ? me demande la quadra au pantalon militaire en se recoiffant avec les doigts façon si tu me cherche tu me trouve…
Vous parlez de moi ? Je ne sais pas quoi dire. D’autres usagers passent en me regardant comme si je venais d’être pris la main dans un sac…
C’est ça, prend moi pour une cruche. Elle me fusille du regard.
Je ne… Je bafouille.
Allez, pov connard, casse toi, hurle-t-elle. Tu prends ton pied à écouter aux portes ? Les mecs sont vraiment de gros pervers, lâche-t-elle à sa copine en s’éloignant, me gratifiant d’un doigt d’honneur rageur.