L’arrivée sur Paris me fascine. La plupart des voyageurs croisés dans le train opèrent une sorte mutation physique et mentale. Difficile de situer l’instant précis où la « bascule » se fait, même si l’œil aguerri décèle un soupçon de stress au moment de descendre du train.
La mutation se confirme dès que l’usager pose les pieds sur le sol de la capitale. Pour une raison qui m’échappe, il presse le pas avec une obsession mécanique : être le premier devant l’escalator, le portique d’entrée du Metro ou du RER, à s’emparer du dernier fauteuil libre…
Deux types d’usagers : l’endogène et l’exogène, le parisien et le provincial
L’usager endogène, qu’il soit grand, petit, gros, maigre, beau ou moche, homme ou femme, Français ou pas, tente de s’imposer dans toutes les situations. Il joue du coude, pousse, bouscule, soupir, râle, grogne, l’insulte à fleur de lèvre.
L’exogène aspire à la même chose, par mimétisme, certains s’adaptent admirablement à leur nouvel environnement, mais souvent, trop souvent, il se trahit par ses hésitations, ses sourires gênés, ses excuses ou ses commentaires tonitruants lorsqu’il évolue en groupe.
Les portiques de la RATP opèrent une sélection naturelle entre ces deux types d’usagers. L’endogène repère de très loin le portique en panne, la brèche dans laquelle il peut s’engouffrer et surtout l’usager exogène, son concurrent sur la chaîne alimentaire. Au dernier moment, ce dernier cherche son ticket, l’endroit où l’insérer et dans quel sens. Lorsqu’il trouve enfin, il oublie de le retirer pour déclencher l’ouverture. Quand il comprend, sa valise, sa compagne, la grand-mère ou son enfant est coincé dans le tourniquet.
Certains usagers endogènes éprouvent un certain plaisir à lui faire perdre ses moyens en « lui mettant la pression ». Lui faire regretter l’idée d’être venu à Paris. empiéter sur « ses » plates-bandes.