Alors il est pas beau mon minou ?

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Depuis quelques semaines, on dirait que les casse-pieds les plus compétitifs de la région se donnent rendez-vous sur le Belfort/Paris de 6H01 et le Paris/Belfort de 19h23. 

Comme ces deux coiffeuses alsaciennes quinquagénaires de retour d’un salon professionnel « à la capitale ». Celle qui occupe la place côté fenêtre est une blonde aux cheveux courts.  Grande et sèche, son  visage est  marqué par des rides trahissant des décennies d’amertume et de rêves inassouvis. Ses vêtements sont élégamment assortis, neufs et griffés.

La  brune est petite et boulotte avec des mèches rouges et bleues, un mini-short noir moulant simili cuir, des cuissardes dans la même matière, des bas et un dessus en résille noire. Un décolleté attire les regards sur son opulente poitrine contenue par un soutien-gorge assorti à son rouge à lèvre et au vernis sur ses ongles.

Le moindre de leurs mouvements dégage une soupe de parfums capiteux. Le flux de leurs paroles est impressionnant, décousu. Un sujet en entrainant un autre, ponctué par des moues de circonstance. Leurs maris et leurs collègues sont des thèmes récurrents.  Leurs rires tonitruants, leurs gesticulations attirent les regards des autres usagers en particulier ceux de huit très jeunes militaires de retour de permission.

La brune montre une photo sur son téléphone à sa voisine en lui demandant avec un accent alsacien prononcé  : Alors il est pas beau mon minou ?

Les militaires se regardent, n’en croyant pas leurs oreilles. L’un d’entre-eux les joues écarlates laisse échappé un « oh oui oh oui ! » insistant sur l’exclamation.

Adorable, poursuit la blonde avec le même accent tout en jetant un regard étonné en direction des militaires…  Son poil a l’air si soyeux qu’on a envie de lui faire un gros câlin,poursuit-elle.

Le même militaire les joues de plus en plus écarlates : « Les mecs, j’en peux plus, retenez-moi….  »

Oh s’il te plaît, peux-tu le partager sur Facebook, demande la blonde à la brune. J’aimerais  l’avoir dans mes photos. Tu veux voir  le mien ?

Oh oui oh oui ! encore encore ! reprennent en coeur cinq des huit militaires hilares.

C’est quoi leur problème à ces mecs ? demande le blonde à la brune affectant de ne pas comprendre. Ils sont pas bien ou quoi ?

 

 

 

Demain, peut-être, j’arrête… de râler contre la SNCF

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J’en suis conscient. Je râle trop. Je n’arrête pas de me plaindre, de dénigrer notre chemin de fer national. Il faut que de temps en temps je dise quelque chose de sympa sur la SNCF et son personnel sans qui je ne pourrais plus aller au travail chaque jour. (Un grand merci à tous et à toutes!)

Je pourrais dire, par exemple, que depuis bientôt un an elle est une sorte de muse, une source d’inspiration permanente… (C’est dit !)

Mais il ne faut pas que j’en fasse trop dans ce sens car faut reconnaître que dire du mal de la SNCF c’est vendeur. Plus tu râles plus t’es lu.

Jeudi 1er mai, 5 H 55, le train est plein

La voiture 8 est occupée par un groupe de personnes âgées en route pour Londres. Le train n’a pas encore démarré que l’une d’entre-elles semble déterminée à raconter sa vie à l’ensemble du compartiment résigné. Elle parle fort, très fort.

Le niveau sonore est tel que même les hurlements dans mes écouteurs, de Lemmy Kilmister, alias Ian Fraser, bassiste, chanteur et parolier du groupe de heavy metal Motörhead, n’arrivent pas à couvrir le flot de ses paroles.

Avec en fond sonore Dead men tell no lie, je l’entend évoquer les étapes de la journée qui attend le petit groupe ;

Sur Lawmen, elle demande à ses copines si elles préfèrent aller jusqu’à la Gare du Nord en RER ou en Métro, précisant qu’elles ont du temps devant elles. (Suit une énumération précise des avantages de l’un sur l’autre…)

Sur Sweet Revenge, elle explique pourquoi elle préfère le train à  l’avion. Elle enchaîne avec le prix exorbitant des hôtels à Londres.

Sur Sharpshooter et Poison : elle évoque ses précédents voyages, ses traversées en bateau, l’obscurité du tunnel sous la Manche.

Stone Dead Forever : elle était à Londres pour les JO, pour le Jubilé de la Reine, deux séjours pendant lesquels elle a visité tous les sites à voir. Elle en égraine la liste… s’apercevant qu’elle doit encore en visiter d’autres.

Entre All the Aces et Bomber, le titre phare de l’album, la nervosité monte, le débit est en phase avec la vitesse du train qui file à 322 km/h en direction de la capitale… pour détendre l’atmosphère elle se met à détailler le prix des habits qu’elle porte et le lieu où elle les a acheté… le pantalon à 40€ acheté pour les 50 ans de Monique, la sœur à Michel; 13 € le haut pour le mariage de Mathilde la fille au Gérard, le cousin de Monique. Non l’autre Monique, celle qui qui est mariée avec Jean-Claude…

J’ai le crâne en bouillie. Les nerfs à fleur de peau. J’aimerais dormir.

raleur-vip-blog-com-911739mauvai10Vendredi 2 mai, 5 h 55, le train est vide

Pont du 1er mai, nous sommes une dizaine de personnes à nous partager les deux niveaux de la voiture 6.

Je suis à peine assis que je sombre dans un sommeil profond en écoutant un album de Manu Katché.

Besançon. Une personne monte.

Dijon. 5 personnes descendent, trois montent.

Je me rendors.

Quelqu’un me secoue. Énergiquement.

Les contrôleurs?

Je me redresse, en catastrophe. Commence à fouiller dans mon sac. Du coin de l’œil, j’aperçois un jean et des chaussures de sport. Je lève les yeux : un usager d’une soixantaine d’année, coiffé comme un dessous de bras, essaye de me faire comprendre par des gestes qu’il souhaite s’asseoir à « sa » place.

Je me lève, regarde autour de moi. Nous sommes quasiment seuls. Je crois rêver. Qu’ais-je fait pour mériter cela ? Le rythme roboratif des batteries de Manu Katché m’incite au calme, à ne pas dire à ce monsieur ce que je pense. Toutes sortes de noms d’oiseaux me viennent à l’esprit.  Debout, j’en profite pour aller m’asseoir quatre rangées de sièges vides plus loin. Où je me  m’endors aussitôt…

Faut vraiment que j’arrête de râler….

 

Gros con prend le train

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impolitesse-journalisteIl y a des gens que vous souhaiteriez ne jamais croiser. En particulier de bon matin. Celui  qui remonte le couloir sans se soucier de personne, le ventre en avant, la lippe dédaigneuse, la veste sur le bras, est un spécimen de choix. Un con de toute beauté, la cinquantaine, la cravate immonde, les  chaussettes roses. Un habitué de cette ligne, qui voyage toujours  léger, sans ordinateur portable, tablette ou sac.

Il arrive à ma hauteur ( je suis installé au fond de la voiture 8, dans l’espace carré). Les quatre places à ma droite sont vides. Pas pour longtemps. Il déplie la tablette brutalement, y balance son magazine (Valeurs Actuelles) qui claque en atterrissant, sa pochette où se trouvent sa carte d’abonnement.

Il accroche sa veste sur le dossier, après l’avoir vigoureusement  secouée et débarrassée des pellicules accumulées sur le col et les épaules. Il s’écrase en grognant sur  son siège. La petite poubelle le dérange lorsqu’il étend ses jambes, il l’ouvre et la referme en râlant, tente de l’arracher. Pendant quelques minutes, dansant d’une fesse sur l’autre, il baisse, remonte les accoudoirs, avant d’incliner son siège.

Un jeune homme cherchant une place, lui demande timidement si celles qui sont en face de lui sont occupées, il répond par l’affirmative, comme s’il s’agissait d’une évidence…

Satisfait de lui, il remonte ses lunette de l’index et ferme les yeux en souriant.

Le train prend de la vitesse.

J’essaie de dormir mais les ronflements de mon voisin ponctués de grognements et de mâchonnements me tapent sur le système. Chaque fois que je ferme les yeux, je vois sa tête ronde et dégarnie, l’entraîner tantôt en avant tantôt à droite ou à gauche au grès des secousses avec cet air qui semble dire : Je vis ma vie et je vous emmerde !