Entraîneur charismatique du Ring athlétique lédonien (RAL) de Lons-le-Saunier (Jura) depuis quarante-cinq ans, Serge Pantel transmet sa passion pour la boxe anglaise qu’il met au service de l’éducation.
Dix-sept heures, pieds nus, short et tee-shirt bleus assortis, Serge Pantel jaillit du vestiaire, passe d’un élève à l’autre avec la fluidité, l’assurance et la puissance d’un félin. Chacun a droit à sa poignée de main, son petit commentaire ou conseil.
Dans la salle, entre les deux rings et une rangée d’une dizaine de sacs de frappe, les cordes à sauter sifflent de plus en plus vite… Des boxeurs feintent et esquivent face à d’immenses miroirs, enchaînant directs, crochets, uppercuts, vidant leurs poumons à chaque projection, jouant avec l’ombre de leur silhouette.
Chorégraphie collective
Serge Pantel claque des mains, invitant ses élèves à se rassembler. Face à eux, il commence à sautiller, pieds joints, décontracté, coudes au corps, le départ d’une subtile chorégraphie collective entrecoupée d’exercices de musculation et d’assouplissement ciblés… Le rythme monte en puissance et intensité, les exercices en complexité.
Pas un défaut n’échappe à l’œil de Serge Pantel, 64 ans, dont 45 passés à pratiquer et enseigner la boxe anglaise.
Il a hérité cette passion de son père, Parisien venu s’installer en Bourgogne pour travailler au service achat de Creusot-Loire : « Il ne pratiquait pas, mais dirigeait un club et organisait des combats, raconte Serge Pantel. L’ambiance des galas de boxe, des salles et les combattants me fascinait. J’ai dû attendre pour pratiquer. À l’époque, on ne pouvait commencer qu’à partir de 16 ans. On ne parlait pas encore de boxe loisir et éducative. On montait sur le ring pour combattre au bout de quelques semaines d’initiation aux bases. »
C’est à Lons-le-Saunier qu’il va enfiler les gants pour la première fois à 20 ans. Il a été affecté dans cette ville du Jura à sa sortie de l’École normale. « Je voulais y enseigner dans un institut médical spécialisé pour enfants handicapés. » Sept ans après ses débuts, il va se mettre à entraîner des boxeurs dont certains vont le faire voyager « jusqu’en Australie ».
270 licenciés dont Bill, « le Gitan »
Aujourd’hui, le Ring athlétique lédonien affiche plus de 270 licenciés avec des boxeurs prometteurs comme le jeune Bill Winterstein, dit « le Gitan », passé professionnel depuis peu enchainant les victoires. Ce qui en fait le quatrième club de France. La source d’une immense fierté pour Serge Pantel et ses six entraîneurs bénévoles, d’anciens boxeurs qu’il a formés.
Avec eux, il partage la même conviction que « chaque élève doit bénéficier de la même attention, qu’il soit un champion ou un débutant, un amateur ou un professionnel, un enfant ou un adulte, un homme ou une femme… », insiste-t-il. Serge Pantel estime que cette diversité est essentielle à la dynamique du club, qu’elle soit culturelle ou sociale.
« Ici on croise les gants avec des avocats, des chômeurs, des vétérinaires, des policiers, des étudiants… mais aussi avec des jeunes des quartiers défavorisés, parfois même avec des délinquants, explique-t-il. Je ne fais pas de cadeau, mais je ne rejette personne. La boxe aide à se construire. Pour une cotisation adaptée à la situation de chacun, on apprend à gérer des difficultés, les frustrations, à apprivoiser ses peurs. La boxe forge le caractère, inculque le goût de l’effort et le respect de l’autre. Un adversaire est avant tout un partenaire d’entraînement. »
Serge Pantel est régulièrement sollicité pour participer à des programmes éducatifs. Ainsi, depuis plus d’un an, une dizaine de jeunes filles et garçons inscrits à l’École de la deuxième chance viennent s’entraîner deux fois par semaine chez lui. Il accueille également des jeunes d’un centre éducatif renforcé (CER). À lui de leur faire aimer ce sport.
Homme de défis, Serge Pantel est toujours partant pour ce genre d’aventures même s’il admet ne pas réussir à chaque fois. « Les adolescents sont un public difficile, constate-t-il. Ils ont du mal à encaisser l’échec. Ils font deux combats et deviennent des vedettes des réseaux sociaux ; ils perdent, tout s’écroule. La boxe est une formidable école de vie, à condition d’avoir un bon professeur qui vous fait aimer la matière. »