Momo le mytho

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unknownBesançon TGV, trois minutes d’arrêt. De nombreuses personnes descendent. Quelques-unes montent.

Un type remonte l’allée centrale, d’un pas décidé, en traînant la savate. La quarantaine, trapu, la bouille ronde mal rasée, le crâne dégarnis.

Un téléphone portable dans une main, il affiche un sourire satisfait. Arrivé à ma hauteur, il s’assoit lourdement. Tout en respirant par la bouche, balaie fébrilement  l’écran  de son téléphone  de deux doigts boudinés aux ongles encrassés. Il  sélectionne, ouvre et ferme des applications. Puis soudain, il porte l’appareil à son oreille croisant mon regard brièvement.

Allo, c’est Momo ? T où ma sœur ? (Silence) Moi ? Je suis dans le train. On se croirait dans une tombe, ma sœur, les gens  dans ce train ressemblent à des morts-vivants… Ya pas un bruit, la vérité. Sur le Coran de ma mère… (Rire gras)
Si je dérange ? T sérieuse frangine ? Rien à secouer de déranger. Tu me connais encore mal. Demande à n’importe qui dans le quartier, ils te diront qui je suis… Momo, tout le monde le connait. Ils savent de quoi je suis capable… Même les keufs me respectent.

Des usagers se retournent qu’il toise d’un regard goguenard.

Tout le monde connait Momo le gars à la RX3, crie-t-il presque… Une minute, ma sœur, il y a mon frère Yacine, le Boxeur qui veut me parler… Je te rappelle. Ne bouge pas…

Il interrompt la conversation, se gratte la cavité nasale consciencieusement, pianote un numéro en souriant et crie : Allo ? Yacine ? Tranquille ? C’est Momo. Je suis dans le train. Je l’ai pris à Besançon à l’arrache. Je n’ai même pas de billet. (Rire) Oui, j’arrive dans vingt ou trente minutes. T où ? Tu m’attends ? Ne déconne pas mon frère… Il rit et parle de plus en plus fort. Je te laisse, je suis avec une petite au téléphone. Je te jure, elle est mûre. Prête à tomber de l’arbre, directe dans mes bras. La vérité mon frère. Le genre que tu n’as pas besoin de lui tenir la tête pour aller à la sucette… Tu vois ce que je veux dire. Il rit aux éclats. À plus mon frère. Il recompose un numéro, avec un air de plus en plus satisfait.

Allo, ma sœur, Je disais quoi ? Ah oui. Effectivement, poursuit-il, tout le monde me connait dans le quartier et tous me respectent. (Silence) Oui, j’ai fait de la taule ma sœur à Besançon, à Nancy, Mulhouse… La dernière fois j’étais aux Baumettes pour avoir planté un gars… Ils m’y ont fait voir un psychiatre… Une femme, ma sœur, t’imagines? On aurait dit une Sheitan… J’ai fait une tentative de suicide et ils m’ont relâché… (Silence) Allo… Allo ?

Il regarde son téléphone comme un objet étrange, le tourne dans tous les sens. Recompose le numéro, laisse sonner. Recompose, laisse sonner… Une fois, deux fois, trois fois… Puis abandonne lâchant un tonitruant : « Putain de salope frigide ! » avant de disparaitre en fusillant du regard ceux et celles qui osaient lever les yeux…

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