Après Le Dernier Lapon, Le détroit du loup, le plus nordique des écrivains français (affirmation non vérifiée) revient avec une troisième aventure de la police des rennes… Un polar prenant, documenté et militant sur les difficiles relations entre les Samis, (Sames, ou Lapons) et les populations scandinaves…
La Montagne Rouge
d’Olivier Truc.
Éd. Métailié Noir. 500 P., 21 €
Comme chaque année, à l’automne les éleveurs Samis se regroupent pour l’abattage des rennes. À cette occasion, dans le sud de la Laponie, dans un enclos boueux de la Montagne rouge, des ossements humains sont découverts.
Klemet et Nina de la police des rennes (lire Le dernier Lapon, 22 prix dont celui des lecteurs quai du Polar 2013 et Mystère de la critique de la même année et Le détroit du Loup, aujourd’hui disponibles en Points poche) sont chargés de l’enquête. Pour cette unité chargée de contrôler l’élevage des rennes en Laponie et les conflits avec le reste de la population, la mission s’annonce tendue et minée. À cause des conditions climatiques et d’un procès à la Cour suprême de Stockholm opposant les exploitants forestiers aux Lapons.
Procès dont l’enjeu est le droit à la terre et l’accès aux ressources naturelles de ces immenses territoires revendiqués par ces derniers. L’issue de ce procès pourrait être déterminée par celui qui arrivera à prouver qu’il était présent sur ces terres avant l’autre. Ces ossements, très anciens, deviennent dès lors l’objet de toutes les convoitises…
Sur leur chemin, les deux inspecteurs vont se retrouver confrontés à une multitude de personnages aux intérêts parfois obscurs mais toujours différents les uns des autres, politiciens, hommes de lois, éleveurs, anthropologues…

Olivier Truc (photo Métailié)
Cette troisième enquête de la police des rennes poursuit son exploration des rapports tendus entre les Lapons et le reste des populations scandinaves en remontant dans l’histoire. « Un Lapon doit être un Lapon ! explique Pétrus, un chef sami. Sous-entendu, un Lapon travaille exclusivement avec les rennes, vit dans la montagne, habite sous tente. Plus il est noir de fumée, plus il est lapon. Savez-vous ce que disent les députés ? La civilisation est le pire ennemi de l’éleveur de rennes. Ils avaient peur que, si les enfants samis s’accoutumaient au confort de leurs écoles chauffées, ils renoncent à devenir éleveurs de rennes. Il ne fallait pas qu’ils s’adoucissent. Les écoles nomades crées à l’époque, devaient être inconfortables pour qu’ils restent habitués à la dure vie de la montagne. Pour faire passer ces lois, on idéalise certains caractères sami, des hommes durs à la tâche, endurants, résistants, seuls capables de s’occuper des rennes. Ainsi naît la politique qui interdit aux paysans suédois d’avoir des rennes et qui prive les Samis qui n’ont pas de rennes d’avoir les mêmes droits que ceux qui en ont. On a créé un prolétariat sami. Une politique d’apartheid se met en place, qui existe encore aujourd’hui encore. »
Dans ce polar ethnologique, l’auteur, spécialiste des pays nordiques, ancien correspondant de La Croix, et aujourd’hui du Monde et du Point en Suède, nous abreuve d’une multitude d’informations sur ce sujet encore très sensible notamment sur le recours à l’anthropologie raciale. C’est une fois de plus prenant, original, enrichissant, efficacement construit et bien écrit.