Les affaires reprennent. Deux mois et demi sans train, cela commençait à faire long. Je dois même avouer avoir été tenté, à plusieurs reprises, en passant à côté d’une gare, ou en longeant une voie de chemin de fer, de faire un petit tour en train. Juste pour la sensation.
Depuis le 4 août, je suis de nouveau sur les rails matin et soir.
Petit bilan après de deux semaines d’allers et retours.
Le redémarrage a été laborieux. J’ai passé l’essentiel de mes trajets à ronfler dans des trains vides ou presque. Pour alimenter une chronique ce n’est pas terrible.
Patience tout arrive pour qui sait attendre…
Vendredi dernier : surprise. Je suis dans le train, il doit démarrer dans quelques secondes lorsque un message nous apprend que suite à un incident technique, un retard d’une durée inconnue est prévu.
Les passagers ne réagissent pas. Je me demande même s’ils ont entendu. Il faut dire que la plupart mangent avec des casques sur les oreilles.
Je souris. Enfin un peu d’action, d’imprévu, d’aventure quoi…
Deuxième message quelques minutes plus tard : « Nos techniciens tentent de régler le problème, affectant votre train ». J’aime beaucoup le « Nos » et le « votre »…
C’est promis, nous serons informés de la suite des évènements dans quelques minutes.
Troisième message : « Le propriétaire du sac à dos rouge, abandonné à l’angle du quai 9 et 10 est appelé à se manifester de toute urgence… Les équipes de déminages sont en route. »
Les gens commencent à se regarder, inquiets, agacés…
Quatrième message : « Votre train immobilisé pour un problème technique ne partira pas. Un train de remplacement est attendu quai numéro 13… »
Les passagers sont appelés à attendre dans le train…
Une rumeur remontent le compartiment comme une brise du soir.
Les passagers pianotent sur leurs portables, des dizaines de SMS partent aux dans tous les sens pour informer maman, papa, mémé, tata, tonton, dou dou, poucinette… de cet imprévu.
De plus en plus de passagers commencent à passer des appels en brodant sur les causes du retard et le temps que tout cela va prendre. Ils parlent fort, cherchant l’approbation dans le regard de leurs voisins d’infortune.
L’agacement monte. L’ambiance se gâte.
Un cinquième message appel les passagers à rejoindre, calmement, le train qui vient d’entrer en gare sur le quai d’en face, en respectant le placement qui leur avait été attribué.
Lorsque, qu’il est précisé que la voiture 8 n’est plus en queue de train mais en tête, la foule s’agite.Certains paniquent, courent affolés comme des poules sans tête au milieu du quai, à l’idée que le train ne démarre sans eux…
J’attends que gros de la foule s’installe et choisit la première place libre pas très loin d’une grosse femme essoufflée d’une soixantaine d’années. Outrageusement maquillée et parfumée, vêtue d’un pantalon et d’une veste blanche, sur un chemisier transparent noir à dentelles, chaussée de bottines en cuir à talons, elle est très visiblement très remontée.
Son téléphone sonne. Fort, très fort.
Elle décroche et se met à râler, pester aussi bruyamment que possible : « Un retard à l’aller, un autre au retour… J’en sais rien si j’aurais ma correspondance. En tout cas m’attends pas, Mamounette. Oui. Laisse moi un peu de soupe. Le train c’est fini pour moi. Mais oui Mamounette, tu as raison c’est inadmissible, affreux, terrible. Je suis fatiguée, malade, épuisée. J’avais même pas la force de porter ma valise. Heureusement un gentil monsieur l’a fait pour moi… Sur le quai, j’ai cru mourir Mamounette. La SNCF y nous traitent comme des animaux. J’espère que papounet ne voit pas tout ça d’où il est… »
Décidement, plus rien ne va dans ce pays…