Jeux de voisins, jeux de vilains

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Small Sticker Ride SEXIl est grand, brun, sec, mal rasé, des cheveux courts frisés. Il lit France football. Elle est petite, brune, le teint mate, pulpeuse, en tailleur noir, un visage de caractère. Ses yeux ne quittent pas son téléphone dont l’écran est fissuré. Ils sont jeunes, très jeunes même, et sont mes voisins du soir, assis en face de moi.

Aujourd’hui, c’est carré famille, nous sommes en fin de semaine, le train est bondé, bruyant, empeste le liquide pour WC chimique, la transpiration, le jambon beurre, les chips, le pâté de campagne et une multitude de parfums…

Dès que nous démarrons, avec quelques minutes de retard, ma voisine, passe un premier appel d’une voix rauque  :

Allô, ça va ? Oui, nous, ça va. On est dans le train. On arrive à Dijon à 21 heures… On se voit ce week-end ? J’ai envie de faire la teuf… OK dommage, une autre fois…

Elle raccroche et rappel une autre personne en resservant le même discours à la virgule près.

À chaque fois, elle informe son copain de la situation qui se contente d’acquiescer d’un air de jeune mâle repus et suffisant, sans quitter son magazine du regard.

Au dixième appel, elle réussit enfin à trouver quelqu’un avec qui faire la fête. Toute joyeuse,  elle réclame un bisou à son ami en lui susurrant un langoureux :

Je t’aime.

Moi aussi, répond-il alors qu’elle bascule ses jambes par-dessus les siennes.

Alors qu’elle l’embrasse, goulûment, il pose son magazine, passe la main gauche par-dessus ses épaules pour l’attirer contre lui et glisse la droite sous sa jupe.

Les yeux dans les yeux, elle lui saisit alors  l’entrejambe et sans le lâcher, elle lui lance en gloussant malicieusement… Attention, mon gaillard, jeux de mains, jeux de vilains ….

Casse-pieds à bord, jamais tu dors

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RALEURIl y a des jours où on devrait rester sous la couette. Se faire porter pâle. Ce jeudi matin, je suis parti au boulot comme les 7 nains dans Blanche Neige, en chantant, avec la promesse de terminer ma courte nuit dans le train.

À peine installé, je m’assoupis profondément.

Allo, Allo…

Je me réveille. Un filet de bave à la commissure des lèvres. Nous sommes en gare de Dijon, dans mon dos, un monsieur passe un appel depuis son siège. Le haut-parleur de son téléphone est enclenché.

Vous êtes bien sur le répondeur d’Antoine, laissez un message, répond une  voix juvénile.

Le papa insiste… Antoine répond.

C’est papa.

J’avais deviné,  Antoine la joue blasé.

Maman est partie ?

Oui.

Ya longtemps ?

J’sais pas… Antoine la joue agacé

Tu as bu ton chocolat ?

Oui, papa… Antoine la joue découragé

Tu t’habilles, tu te laves les dents et tu vas à l’école. Ok ?

OUI… Antoine la joue colère…

Papa, visé par de nombreux regards menaçants, coupe le haut-parleur. Oui mon cœur, je suis dans le train. Oui,  je rentre vers 20 heures… Bonne journée.

Je vais me rendormir, mes paupières tombent, ma tête bascule… Un grand type avec une tête de vendeur de voitures d’occasions, à une réservation pour le siège à côté de moi. Je me lève, il passe, plie ses affaires, appliqué. Il sort son ordinateur, un carnet, deux téléphones. J’attends debout dans l’allée centrale, bloquant le passage.

Je suis à peine installé, qu’il manifeste son souhait de se lever. Je l’exécute, il  se dirige vers les toilettes. Lorsqu’il revient quelques minutes plus tard, il sent la lotion désinfectante.

Sans le moindre regard, ou petit mot… il se met à écrire, martyrisant les touches de son clavier et mes côtes avec son coude droit….

Dans mon dos, un grand gaillard rougeaud, joufflu, au crâne lisse et lustré comme les chaussures d’un premier communiant, nez pointu et grandes oreilles éternue et renifle sans discontinuer.

En face, de moi côté droit, un petit couple de personnes âgées. Il lit un document sur les journées de la cancérologie digestive en aspirant avec une paille du jus de fuit « garanti sans sucre ajouté ».

Sa compagne lit un article abondamment illustré sur le chancre syphilitique en croquant des biscuits.

En face d’eux, un quinquagénaire en pantalon de cuir et chemise blanche, affalé sur son siège les jambes écartées, lit une biographie de Robert E. Lee par Vincent Renard. Régulièrement, il glisse  sa main droite dans son pantalon pour se gratter les parties génitales. Soulagé, il se passe l’index sous le nez.

A côté de lui, lové sous une couverture, dort une jeune fille. Soudain une sonnerie retentit qui évoque de manière très réaliste, les cloches que portent les vaches dans les alpages du Haut-Doubs. On s’y croirait presque. La jeune fille, se redresse, s’étire, enlève ses bouchons d’oreilles, son masque occultant, sa minerve gonflable, et coupe sa sonnerie en souriant benoitement.

Message de service

Bonjour, je suis votre responsable de bar… Opération exceptionnelle… Pour tout achat d’une boisson fraîche ou chaude votre viennoiserie est à -50 %. Cette offre flash est valable pendant vingt minutes…

Les allers et retours dans l’allée centrale s’intensifient… Certains passent plusieurs fois de suite avec ce regard qui semble dire : « je vous bouscule, et je vous emmerde , c’est mon droit… ». D’autres semblent perdus. Dans leurs yeux on peu lire « Où suis-je ? Voiture 6, 5 ou 7… Première ou deuxième classe ? » Ils vous fixent en se demandant si vous avez la réponse à leurs interrogations. Certains font penser aux morts-vivants dans la série Walking Dead. Leur corps bougent, leurs cerveaux sont éteints….

Une odeur de vernis à ongle entêtante envahit l’atmosphère. La jeune fille des pâturages du Haut-Doubs termine de se maquiller. Elle est à peine reconnaissable. En une dizaine de minutes, elle a gagné une dizaine d’années.

Nous arrivons à Paris. Le jour se lève, pluvieux. Mon téléphone vibre. Une alerte de la RATP. Le trafic sur la ligne A du RER est totalement interrompu suite à un mouvement social. Voilà qui annonce une joyeuse pagaille pour la suite de mon voyage…

 

 

« Cette été,  j’étais aux States »

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IMG_5482Dimanche soir. Le train de 19 h 23 est bondé. Complet. Le compartiment grouille d’usagers. Ça sent le pâté, les chips, la bière, la friture, le jambon et la sueur….. Je n’ai-pas le choix que de m’installer à ma place.

Mon futur voisin est un type imposant qui empeste la soupe à l’ognon. Son sac est posé sur le siège. Il m’explique qu’il ne sait pas quoi en faire. Je lui suggère de le poser dans l’espace au dessus de nos têtes. Il me dit qu’il est trop gros. Je lui propose d’essayer. J’y arrive presque. Une bouteille dans la poche bloque. Je lui suggère de l’enlever.

C’est que je n’ai pas soif pour le moment, me répond-il, en jouant avec ses trois téléphones portables. D’un air ton de plus en plus agacé par la situation je lui propose de prendre sa valise sur mes genoux. Il s’insurge… Mais non on va enlever la bouteille. Je voudrais pas abuser…

Je m’installe, le forçant à serrer les jambes et à se pousser.

J’ai du boulot, j’ouvre mon ordinateur. Demain matin je rends un article sur un papier sur l’excellent bouquin de Craig Davidson. Cataract City.

« Le rêve américain, lit à haute voix mon voisin… Vous écrivez un article ?

J’acquiesce…

Cet été, j’étais aux States … Le rêve américain, je l’ai vécu de près… J’ai vu des rues pleines de clodos à New York… Le rêve américain c’est pas pour tout le monde….

Je referme mon ordinateur. Je ne travaillerai pas ce soir…

C’est quoi votre journal ? l’Express ? Le Point ?

La Croix.

Super ce journal. Je l’ai jamais lu, mais paraît qu’il est sérieux… C’est pas un peu beaucoup catho ? Vous êtes catho ? Vous avez par une tête de catho ?

Je n’ai pas le temps de répondre qu’il ajoute : et vous allez parler du rêve américain à vos lecteurs ? C’est pas vraiment catho le rêve américain…

C’est une critique de roman…

Ah ok. Je comprends mieux… Vous lisez les livres au moins ? Moi, je ne lis jamais de roman. Je passe déjà mes journées dans des plans et des revues techniques, c’est pas pour lire des romans.

Je lui demande ce qu’il fait comme métier.

Ingénieur génie civile… Les ponts, les tunnels, les ouvrages d’art, vous voyez de quoi je parles ?

Intéressant comme métier.

Mais prenant. Voilà quinze ans que je bosse sans arrêt, dans toute l’Europe, avec parfois près d’une centaine de zigs sous mes ordres et des responsabilités à se bouffer le cul… J’en peux plus. J’ai décidé d’arrêter quelques mois. Histoire de souffler, de réfléchir, voyager…

Lire ?

Qui sait, je lirai peut-être le bouquin de Valérie sur François…. Certainement pas des histoires sur le rêve américain… sourit-il en me gratifiant d’un clin d’œil. Lorsque le train entre en gare, il s’excuse.

Désolé faut que j’aille fumer…