Jusqu’au 20 juillet, le Musée du Quai-Branly, à Paris, propose une superbe exploration de l’esthétique des Indiens des plaines.
Le parcours commence avec des œuvres contemporaines, pour remonter jusqu’à l’époque précolombienne, en passant par les grandes étapes de la conquête de l’Ouest.
À l’évocation du mot Indien, une multitude d’images et de sons jaillissent. Un feu d’artifice de couleurs, avec des danses de guerre, des tipis, d’immenses troupeaux de bisons, de majestueux guerriers coiffées de plumes chevauchant à bride abattue des espaces à perte de vue…
Des images héritées des peintres du début du XIXe, tels George Catlin ou Karl Bodmer, des photographes comme Edward S. Curtis, des spectacles itinérants ayant sillonné la France dont le Wild West Show de William Cody alias Buffalo Bill et surtout du cinéma américain qui a incrusté dans notre esprit l’archétype de l’Indien, un personnage caricatural, tantôt positif tantôt négatif, appartenant à un passé révolu.
Des œuvres contemporaines pour commencer
Démarrer la visite de cette exposition consacrée aux peuples des plaines avec des œuvres contemporaines, avant de remonter le temps jusqu’à la période précolombienne, en passant par les grandes étapes de la conquête de l’Ouest, rappelle que les cultures indiennes restent vivantes et créatives.
En dépit des drames, fléaux et mutations auxquels ils sont confrontés depuis des siècles, les Cheyennes, Crows, Sioux, Tonkawas, Gros Ventres, Crees, Comanches, Omahas… continuent à tisser, sculpter, peindre leur histoire avec la même ardeur créatrice et expertise que leurs ancêtres.
Deux œuvres, illustrent magistralement l’époque actuelle : l’impressionnante robe traditionnelle perlée de la danseuse lakota hunkpapa Jodi Gillette (conseillère spéciale sur les questions indiennes de Barack Obama) et la chemise de guerre réalisée par un artiste cheyenne du Montana Bently Spang (voir diaporama), où les broderies traditionnelles sont remplacées par une collection de photos de famille et les franges par des films négatifs.
Après ce (trop) rapide tour d’horizon contemporain, le visiteur remonte le temps jusqu’aux origines de l’esthétique des Indiens des grandes plaines, cette zone immense, d’herbe et de vent, qui s’étend des provinces canadiennes du Saskatchewan jusqu’au Texas, et du bassin du Mississippi jusqu’aux Montagnes rocheuses.
Une scénographie « sobre, épurée »
La scénographie signée Jean-Michel Wilmotte se veut « sobre, épurée » pour valoriser l’esthétique époustouflante des objets présentés : coiffes et parures de plumes, peaux de bisons peintes, vêtements brodés avec des épines de porc-épic, ou de perles de verre…
Des objets qui, faut-il le rappeler, proviennent en partie de collections européennes. Témoins d’une époque où les Indiens et Blancs avant d’être en concurrence étaient des partenaires commerciaux. Le visiteur dispose de nombreux « outils » (cartes, guides audio) pour accéder à cette histoire complexe, semée de rebondissements et de mutations.
Au-delà de quelques pièces de l’époque précolombienne, la plupart des 140 œuvres exposées ont été réalisées aux XVIIIe et XIXe siècles. Durant cette courte période où les Indiens des plaines connaissent, grâce à la domestication du cheval, un âge d’or, malgré les guerres incessantes qui opposent leurs différents groupes. Les chasseurs peuvent se déplacer sur des territoires plus étendus. La vie devient plus facile grâce aux objets et matériaux qu’ils acquièrent auprès des Européens et s’approprient.
Un âge d’or qui sera de courte durée, comme l’explique l’Américain Gaylord Torrence, commissaire de l’exposition et directeur du Musée Nelson-Atkins, de Kansas City, où l’exposition partira après Paris. Avec les chevaux, les perles en verre, les étoffes…, les Blancs ont apporté des maladies auxquelles les Indiens ont succombé par milliers, des fusils et surtout des millions de colons qui ont repoussé les peuples des grandes plaines sur des territoires de plus en plus exigus jusqu’à leur quasi-disparition au début du XXe siècle.
Eviter les sujets qui fâchent
L’exposition est ambitieuse. Les œuvres, somptueuses. à l’exception de deux tipis préfabriqués, sans le moindre intérêt en fin de parcours. Et cette vision esthétique inédite en France des peuples des plaines rompt avec les clichés et les stéréotypes. Toutefois, à vouloir tout montrer dans un espace aussi restreint, les organisateurs donnent le sentiment que les Indiens des plaines sont un ensemble de populations homogène. Ce qui est loin d’être le cas même si elles partagent des points communs.
On peut également regretter que l’univers spirituel, tout ce qui a un rapport avec le sacré, la magie, et qui joue un rôle si important dans leur quotidien, ne soit que peu ou pas abordé dans cette exposition. La volonté sans doute d’éviter les polémiques avec les puissantes organisations de défense des peuples amérindiens comme lors des ventes de masques rituels hopis à Drouot en 2013.
Catalogue de l’exposition, Éd. Skira 320 p., 47 €. Un ouvrage remarquable, qui aide a comprendre cette histoire complexe, avec de magnifiques iconographies.
Rens. : 01.56.61.70.00
NB: A ne pas manquer si vous êtes à Paris la rencontre le samedi 24 mai à 17 heure au Quai Branly avec David Treuer qui présentera son dernier livre a paraître ce mois Indian Roads, un voyage dans l’Amérique Indienne. Chez Albin Michel. Soirée à laquelle je participerai pour parler de mon expérience chez les Indiens… des plaines.