Mais c’est notre journaliste !
Je tourne la tête en pensant, mais c’est mon syndicaliste.
Comment va ?
Très bien !
Ça faisait longtemps ?
Effectivement voilà des semaines que je n’ai pas croisé cet usager dijonnais. Il prend place en face de moi tout sourire.
Il me propose un café. J’accepte. Il revient quelques minutes plus tard avec deux tasses fumantes et deux chocolats. Je lui laisse ma part.
Tu bosses pour La Croix si ma mémoire est bonne ?
Oui
Vous devez être content ?
Pourquoi ? A sept heures du matin, je n’ai aucune idée de quoi il parle.
Vous êtes le seul quotidien à progresser en termes de diffusion. Je n’ai aucun mérite, j’ai lu l’enquête dans « Libé ». Il me regarde avec un air entendu…
Je hausse les épaules.
Je suis certain que c’est à cause de votre côté militant bon enfant. Et surtout, avec la crise, le monde qui se casse la gueule, de plus en plus de gens se tournent vers Dieu, les valeurs traditionnelles… Il rit.
Je ne sais pas quoi répondre d’autant qu’il parle si fort que d’autres usagers commencent à nous regarder avec intérêt.
Il est à combien ton canard ?
Plus de 80 000…
Non, ça je savais déjà. Si ma mémoire est bonne, la diffusion payée a même dépassé 97 700 exemplaires en janvier 2014. Non je te demandais le prix…
Je ne sais pas quoi répondre de peur de dire une bêtise.
Tu ne connais pas le prix de ton journal ?
Je n’ai pas le temps de me défendre qu’un usager répond d’une voix rauque et caverneuse :
C’est normal les journalistes y z’ont la presse gratos.
L’homme parle très fort. Ses habits empestent le tabac froid.
Y savent rien de rien sur la vie qu’on mène. Moi, je lis plus la presse depuis des années. Je ne connais pas votre journal, y en a des bons et beaucoup de mauvais, mais globalement, les journalistes c’est tous les mêmes, connivences, langue de bois et compagnie…
Il s’installe avec nous et se lance dans une diarrhée verbale sur le registre tous pourris tous vendus. Même le contrôleur a du mal a interrompre le flot de paroles, se faisant même prendre à témoin sur la décadence de notre pays où de plus en plus de gens (toujours les mêmes précise-t-il) voyagent sans billet.
Monsieur, vous n’êtes pas dans le bon train lui précise le contrôleur en lui montrant son billet.
Comment ça ? Il ne va pas à Paris ce train ?
Si. Mais pas votre billet. Vous étiez censé descendre à Dijon. Je suis désolé mais je dois vous verbaliser. Avez-vous un moyen de paiement et une pièce d’identité ?
Un autre café ? me propose mon voisin en regardant notre spécialiste de la presse s’éloigner avec le contrôleur en râlant sur le prix exorbitant des billets de TGV….
Volontiers et cette fois je prendrai le petit chocolat.
La Croix c’est 1 ,50 € m’annonce-t-il en reposant son téléphone.
Avec la SNCF, voyagez, vibrez