Si Sherlock holmes, héros d’un autre siècle fait un retour remarqué ces dernières années sur le petit écran, le livre, très bien documenté, sorti dernièrement aux éditions de la Martinière, apporte un éclairage neuf sur l’univers du détective.
Phénomène de la littérature policière de la fin du XIXe siècle, Sherlock Holmes retrouve une nouvelle jeunesse dans les formats télévisés comme Elementary et l’excellentissime série de BBC One, Sherlock dont le dernier opus diffusé sur France 4 en avril, laisse un goût de trop peu, trois épisodes pour cette troisième saison, c’est mince. Quand on apprend dans la foulée qu’ il faudra attendre jusqu’en 2016 pour profiter de la quatrième saison, cela devient très long . Pour patienter, on peut dès maintenant feuilleter l’ouvrage de John Bastardi Daumont, SHERLOCK HOLMES, Détective consultant. L’auteur propose là non seulement de revenir sur le personnage mais offre aussi une judicieuse analyse, disséquant tous les éléments, personnages, contextes, ressorts qui composent le corps du délit holmésien, un ouvrage minutieux, frais et plaisant parsemé de documents photographiques et d’illustrations, un outil précieux qui permet d’appréhender avec un oeil expert la galaxie Sherlock Holmes.

Le Londres de Conan Doyle et de l’Eventreur
L’auteur livre le contexte historique de la naissance de Sherlock Holmes sous la plume de Conan Doyle dans l’Angleterre victorienne des années 1880. Londres est alors une cité bouillonnante en pleine expansion et capitale de la révolution industrielle. Dans un paysage clair-obscur se côtoient riches et miséreux, bourgeois, ouvriers, brigands et prostitués. Toute une société s’organise, s’agite et se croise, passant des quartiers lumineux et festifs aux sombres bas-fonds en traversant la rue.
C ‘est dans cette effervescence urbaine que la série de meurtres de Jack l’Eventreur va recevoir en 1888 un écho énorme. La presse londonienne relaie et attise les terreurs des habitants de Whitechapel. Cette même presse révèle aussi l’incurie de la police à résoudre cette monstrueuse affaire et plus largement à surmonter la recrudescence de crimes dans la capitale britannique. C’est une période difficile pour Scotland Yard qui doit faire face aux attentats et aux émeutes. Ses pratiques sont dépassées, la police scientifique n’est pas encore née et la science médico-légale est balbutiante. A l’inverse, le personnage de Sherlock Holmes fait office de précurseur avec ses connaissances en chimie et en biologie, dans sa méthode quasi-scientifique d’observation, de déduction. Il est avant-gardiste encore avec les « Baker Street irregulars », une bande de jeunes vagabonds de rues formant avant l’heure un efficace réseau d’informateurs.




Au hasard des pages on pourra revenir avec délice sur les différentes adaptations du héros londonien, se remettre en mémoire les visages d’Holmes au gré des versions cinématographiques et des séries télévisées. Il est vrai que le cinéma a goûté très tôt au fantasque détective de Baker street. Le premier Holmes marquant du grand écran fut incarné par Basil Rathbone en 1939 dans LE
CHIEN DES BASKERVILLE, qui fut aussi l’infâme Guisbourne du Robin des Bois de Michael Curtiz. Il prête sa silhouette raide et son visage anguleux au personnage. L’allure hautaine du détective restera un canon que les interprètes successifs assumeront jusqu’aux plus récentes adaptations de la télévision, canon idéalement incarné pour les puristes par Jeremy Brett dans la série des années 80. Dans cette lignée, Christopher Lee cultive la particularité d’avoir été Sherlock Holmes à trois reprises, mais aussi Sir Henry Baskerville en 1959, et plus tard encore Mycroft dans La vie privée de Sherlock Holmes de Billy Wilder. Seul Robert Downey Jr dans les films de Guy Ritchie en 2009 et 2011 offre un profil un poil décalé, donnant une couleur inhabituelle à un Holmes goguenard, bagarreur et adepte du déguisement tous azimuts.
Watson, l’indispensable miroir humain
Holmes n’est rien sans le docteur Watson qui devient son colocataire dès la première aventure, Une étude en rouge. Il se chargera très vite de transcrire les aventures de son ami dans la presse. Pas d’ambiguïté, le docteur Watson serait davantage la face sensible de ce Janus victorien. Watson nous ressemble, il apporte l’indispensable humanité dont Sherlock Holmes ne peut s’encombrer.

Sa personnalité est d’ailleurs, au fil des interprétations cinématographiques et télévisées, plus changeante que celle d’Holmes. Elle est une variable que les différents réalisateurs ne se sont pas privés d’exploiter. Loin du lourdaud compagnon de Basil Rathbone interprété par le rondouillard Nigel Bruce, le docteur Watson s’animera sous différents caractères dans les versions plus contemporaines. Récemment, un remarquable Martin Freeman offre une composition plus névrosée, de fait plus incarnée, du personnage face au Sherlock moderne, version high-tech de Benedict Cumberbatch.
Moriarty, le meilleur ennemi d’Holmes trouve, lui aussi, une nouvelle jeunesse dans cette série innovante. L’interprétation énergique d’Andrew Scott donne une couleur très originale et dépoussière un personnage un peu vieillot. Il livre un James Moriarty génial et chaotique, en un mot, dingue.

Trêve d’emballement, je le répète, il faudra attendre 2016 pour retrouver Sherlock dans le poste. Mais le livre de John Bastardi Daumont comble largement les attentes, il est un bel et riche objet dont on ne se lasse pas tant il foisonne de détails et d’informations. Il reste l’outil indispensable à compulser pour tout savoir, pêle-mêle, sur le grand Hiatus, Mycroft Holmes, le mythe Holmes et ses influences, la science, les femmes, le docteur Bell ou Conan Doyle lui même, et plus encore. De quoi satisfaire les besoins des holmésiens les plus pointilleux.


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