La loi de l’Ouest selon James Lee Burke

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Dans cette suite de Dieux de la pluie, on retrouve le shérif Hackberry Holland et le terrifiant prédicateur psychopathe Jack Collins dans un univers où la folie pourrait bien prendre le pouvoir.

James lee BurkeLa Fête des fous,
de James Lee Burke
Éd. Rivages, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christophe Mercier,
554 p., 22,50 €

À la frontière entre le Mexique et les États-Unis, un lieu propice à tous les trafics, Dany Boy Lorca, un Indien alcoolique, raconte avoir vu un « coyote » (surnom donné aux migrants clandestins) poursuivre deux hommes dans le désert et tuer l’un d’eux. Quelques jours plus tard, on retrouve le cadavre d’un informateur des services de lutte antidrogue du FBI. Le fugitif serait un scientifique qui travaillerait sur un programme confidentiel de drones chargés d’éliminer les terroristes islamistes… Le shérif Hackberry Holland (pendant texan de Dave Robicheaux, autre héros récurrent de l’auteur) et son adjointe Pam Tibbs n’ont qu’une certitude, il faut retrouver ce dernier avant le ou les tueurs…

Dès les premières lignes se dessine une chasse à l’homme sombre et haletante dans des paysages aussi magnifiques qu’inhospitaliers. L’intrigue, à tiroirs, fait avancer les personnages…

Sur leur chemin, les deux enquêteurs vont en croiser une multitude plus fous, torturés, redoutables ou inquiétants les uns que les autres :  qui ne peut se pardonner ses erreurs passées ou ses sentiments pour son adjointe ; le prédicateur Jack Collins, un psychopathe sanguinaire qui se promène avec les dépouilles de ses trois enfants dans une boîte, pour échapper aux fantômes de femmes qu’il a massacrées (lire Dieux de la pluie, chez le même éditeur).

Dans ce paysage inquiétant se baladent des mercenaires à la solde des cartels ; un mafieux russe ; des agents du FBI, de la DEA (Drug Enforcement Administration) ; Cody Daniels, un nativiste qui fait respecter les Saintes écritures au fusil et à la grenade ou encore la mystérieuse Anton Ling, alias la Magdalena, une Asiatique ange gardien des clandestins…

La foi et la folie sont omniprésentes dans ce western contemporain palpitant où l’extrême violence flirte avec le lyrisme poétique, la mort avec la vie, où les vivants doivent parfois répondre des crimes du passé…

Pour James Lee Burke, que nous avions rencontré l’été dernier chez lui, cette allégorie sur le néocolonialisme et sur la prise en otage dont sont parfois victimes les religions est l’un de ses meilleurs romans. Une chose est certaine, il donne une fois de plus une preuve de son incroyable imagination et de son immense talent littéraire.

Alceste à pied au Texas, chronique sur rails

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Avec ce livre tendre et drôle, que j’ai  chroniqué cette semaine dans La Croix,  l’auteur clôt en beauté une trilogie entamée en 1966 avec «La Dernière Séance», et «Texasville» en 1987.  (1)  La lecture de ce petit bijou dans la train m’a procuré un grand moment de bonheur pendant lequel j’ai oublié tout ce qui m’entourait.

McMurtry-CeriseDUANE EST DÉPRESSIF 
de Larry McMurtry 
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Aslanides  
Éditions Sonatine, 610 p., 22,30 €

Les décisions que nous prenons sont rarement sans conséquences. C’est la surprise que Duane Moore, un Texan de 62 ans, réserve à sa famille lorsqu’il décide, un jour, sans crier gare, de bouleverser son mode de vie en abandonnant son pick-up pour désormais se déplacer exclusivement à pied : «Lorsqu’il était à l’intérieur, il n’avait de cesse de se demander ce qu’il avait fait de sa foutue vie, et cette question désormais le hantait. Il avait fini par se rendre compte de façon insidieuse, comme une fuite de gaz infiltrée dans sa conscience, que la plupart de ses souvenirs, de son premier flirt jusqu’à cet après-midi d’hiver, au seuil de sa vieillesse, étaient reliées à cet engin.»

Conséquences d’une décision

Se doute-t-il des conséquences d’une telle décision ? C’est le cadet de ses soucis. Voilà des années qu’il fait ce qu’on attend de lui sans sourciller et que les autres, en particulier ses proches, lui imposent quotidiennement leurs problèmes. Désormais Duane n’aspire plus qu’à une chose : se débarrasser du superflu et vivre.

Pour ce faire, il quitte le foyer familial et s’installe dans une cabane sans confort, avec un chien dont il apprécie la présence «car il n’a aucune exigence» : «Ce n’était pas qu’il était temps de changer, c’était tout simplement qu’il avait changé. (…) Il n’était pas devenu un homme différent, mais lorsqu’il était sorti de sa maison, il s’était aussitôt trouvé dans une vie différente.»

Personne ne comprend son attitude

Autour de lui, personne ne comprend son attitude. Son comportement intrigue les habitants de Thalia, bourgade rurale, puritaine, perdue au cœur des champs pétrolifères texans. D’autant plus quand on sait que le pick-up dans cette région est l’un des premiers biens que l’on acquiert dans la vie et que personne ne marche à moins d’y être forcé.

Lorsqu’il cède la direction de son entreprise à son fils toxicomane, qu’il se met à s’intéresser à la botanique, entreprend de nettoyer la nature et de lire de la littérature, il ne fait aucun doute que Duane est très malade.

Karla, sa femme depuis quarante ans, exaspérante et attachante, est persuadée qu’il la trompe. Elle passe ses journées à le suivre à la trace, espionnant ses moindres faits et gestes. Totalement dépassée par la situation, elle demande l’avis de ses amies, ce qui donne une galerie de petits portraits et dialogues inoubliables.

Lonesome Dove, Pulitzer en 1986

L’auteur de Lonesome Dove, prix Pulitzer en 1986 (Gallmeister, 2011), signe ici un roman rafraîchissant, intelligent, fin, étonnant, drôle, tendre, dont on savoure chaque ligne.

Une critique efficace de la société texane, de l’étroitesse d’esprit, du manque de culture, sans jamais être blessant ou donneur de leçon. Le tout invite a une réflexion sur le sens de nos existences, les rapports avec nos enfants, nos conjoints, nos proches.

(1) Publiés tous deux aux éditions Gallmeister respectivement en 2011 et 2012.

D’autres chroniques de livres sont disponibles sur le blog de polars que j’anime avec deux collègues :  http://polar.blogs.la-croix.com